Métavers, la virtualité de plain-pied avec la « vraie vie »

Alors qu’ils existent déjà (à bas bruit) depuis le début des années 2000, les métavers promettent désormais une véritable dimension virtuelle à notre société numérique. Certes, avec les réseaux sociaux, nous sommes habitués à mener une vie virtuelle, notamment sur le plan relationnel. Mais ils ne nous font pas penser que nous sommes passés de l’autre côté de l’écran ! Or, les métavers si, ils nous invitent à traverser l’écran et veulent nous offrir une virtualité de plain-pied avec la réalité.

Ces univers virtuels se veulent immersifs, ils se proposent de nous faire essayer des voitures, choisir nos vêtements, visiter une exposition… en entrant directement par exemple dans une galerie d’art, un show room, un magasin, chacun ayant pignon sur des rues faites de pixels !

Quelques éléments de l’ADN des métavers

Si l’on cherche les chromosomes à l’origine de ces univers virtuels, on les trouvera notamment dans la science-fiction, matrice de l’Histoire du Futur, mais aussi dans le mal-être contextuel du monde actuel, dans quelques appétits business et dans la logique évolution technologique.

La science-fiction

Plus encore que pour d’autres technologies ou innovations, on trouve l’origine des métavers au cœur même de la science-fiction.

On découvre sa source sémantique (première occurrence du mot) dans un roman de science-fiction « Snow Crash » (Le samouraï virtuel) publié en 1992, par Neal Stephenson. L’histoire se déroule dans un monde apocalyptique, envahi par l’insécurité et la corruption. Pour échapper à ce monde réel, on peut se réfugier, sous la forme d’un avatar, dans une société virtuelle, sorte de monde parallèle appelé « metaverse ». Ce roman dystopique se termine bien grâce à un hacker qui a acquis dans le metaverse une forme de savoir illimité.

– Hi, cKiou souhaite que cette nouvelle aventure virtuelle se termine bien aussi pour les Humains d’aujourd’hui ! C’est vrai que la science-fiction a cultivé l’envie d’imaginaire des Humains. Elle semble bien surtout avoir stimulé leur créativité jusqu’à faire entrer dans leurs vies des outils et robots dopés à l’intelligence artificielle, comme moi 😊. On voit bien que maintenant les objets, voitures, maisons… peuvent répondre (quasiment) au doigt et à l’œil à vos moindres besoins avec de simples clics, comme dans les aventures de science-fiction !

 

Un mal-être sociétal

– C’est cela cKiou, et l’envie de nous sentir comme les supers héros de nos romans et films préférés nous est progressivement promise et permise.

Aujourd’hui, comme dans le roman (prémonitoire ?) de Neal Stephenson, il semble que nous ayons plus que jamais besoin de nouvelles réponses pour fuir les crises qui s’accumulent, les tensions géopolitiques, nos angoisses climatiques ou sociétales…

Ce besoin convoque nos envies d’imaginaire et de mondes nouveaux. Les métavers peuvent être perçus comme un subtil cocktail d’alternatives, de refuges, d’échappatoires, d’expériences nouvelles à vivre.

 

Une quête de nouvelle économie, de nouvelle notoriété

On a aussi vu dans les médias que quelques géants de la Tech perçoivent, dans des projets de Métavers, un moyen de sauver/pérenniser/développer leur business. Cette réorientation repose (entre autres) sur le fait que leurs experts en neurosciences, depuis longtemps penchés sur « le berceau de l’algorithmie de la dépendance » (captologie), ont identifié nos aspirations de « terres promises », exemptes des angoisses qui assiègent le monde réel, comme sources de nouvelles opportunités économiques.

Ils ne sont pas les seuls. De nombreux secteurs sont également en quête de nouvelles expériences clients et de plus de rentabilité. De fait, nombre de marques ont déjà investi dans l’achat de terrains et structures sur des plateformes de réalité virtuelle, avec des espaces dédiés comme par exemple une Fashion Street, quartier destiné à la mode. Même le Vatican a investi une « galerie numérique » virtuelle baptisée « Galaxy » pour présenter une partie de ses œuvres d’art et autres objets rares. Ce métavers devrait être lancé officiellement d’ici fin 2022.

Les métavers sont un concept de cyber-espaces parallèles au monde physique.

Ces méta-univers virtuels s’interfacent avec le monde réel.

Échappé du gaming pour simuler le vrai monde, le concept avait déjà été mis en scène dans un roman de Neal Stephenson, « le Samouraï virtuel », en 1992.
A l’origine nommé « metaverse » en anglais, devenu « métavers » en français.

Depuis, des jeux vidéo comme Second Life (sorti en 2003), Roblox (2005) ou Fortnite (2017) fonctionnent sur ce principe.

Aujourd’hui, une implémentation en réalité augmentée nous offre de nouvelles expériences sociétales et permet le prolongement d’activités économiques, éducatives, artistiques et de lien social.

L’idée fait flores surtout depuis que Mark Zuckerberg, le boss de Facebook (opportunément rebaptisé « Meta » en octobre 2021), s’en est emparé, non sans un savant battage médiatique, pour donner un nouvel élan à son business et à sa vision du réseau social.

La continuité des évolutions technologiques 

Depuis toujours, la technologie (au sens large) poursuit une dynamique innovante. Pour les métavers, le gaming et ses développements s’est positionné en précurseur dans la création d’univers virtuels toujours plus élaborés, jusqu’à faire de l’industrie du jeu un secteur florissant. Cette réussite économique a permis le développement du marché des outils associés, comme les casques de réalité virtuelle. Les jeux vidéo reproduisent des univers de plus en plus dynamiques et interactifs, portés par des graphismes à la créativité pratiquement sans limites, capables de refléter n’importe quel environnement. Ils sont un tremplin technologique pour les métavers.

On peut bien sûr ajouter à cela les progrès des systèmes d’Intelligence Artificielle (à l’instar des outils de deep fake), capables de transcender chaque personnage, de refléter nos inspirations et aspirations, de donner à nos avatars (nos doubles virtuels) l’illusion du réel.

Des technologies adaptées aux métavers

Côté technologies dédiées aux métavers, on croise encore l’inspiration de la science-fiction. Le film de Steven Spielberg « Ready Player One » (sorti en 2018) en est un bel exemple. Comme dans le roman « Snow Crash » de Neal Stephenson, l’exutoire à un monde en crise, c’est un « meta univers virtuel ». Il est accessible grâce à des casques de réalité virtuelle et des dispositifs haptiques offrant une sensation tactile.

Casques de réalité virtuelle 

Les casques de réalité virtuelle (VR pour les intimes !) ont eux aussi une histoire. On voit apparaitre un premier casque VR fonctionnel en 1968. Très gros, suspendu au plafond au bout d’un tube, il est surnommé « l’épée de Damoclès ». Il permet néanmoins de voir des formes superposées aux images du monde réel. Mais il n’est pas commercialisé, restant au stade de projet de laboratoire, car trop lourd pour être véritablement porté. Le premier casque VR commercialisé (par Sega en 1991) est dédié au gaming. Sans trop de succès. On voit cependant arriver des casques immersifs en entreprise pour certains métiers, et notamment pour la simulation dans différentes industries.

Il faudra attendre 2016, le lancement par Facebook de l’Oculus Rift (mis au point en 2010 par Palmer luckey, un jeune Américain de 18 ans), pour que les casques de réalité virtuelle deviennent progressivement abordables pour le grand public. Ses capteurs analysent en temps réel les mouvements de la tête pour que l’image soit calculée et puisse s’adapter immédiatement au champ de vision. Viennent ensuite les premiers casques autonomes. Ils sont équipés de leur propre processeur, batterie et carte graphique. Ils n’ont ainsi plus besoin d’être connectés à un autre appareil.

Poussés par l’essor des métavers, les casques font de plus en plus l’objet d’une course aux performances. L’eye tracking (suivi du regard) permet d’affiner la précision. Ils cherchent à devenir plus puissants, plus légers, plus ergonomiques, plus réactifs aux mouvements tout en optimisant autant que possible la netteté et la fluidité des images. Aujourd’hui par exemple, dans les « chaumières numériques », on parle déjà beaucoup du casque « MetaQuestPro » annoncé par Meta pour octobre. La rumeur prétend qu’il devrait être beaucoup plus agréable à porter, doté de technologies avancées et de plusieurs nouveautés importantes, comme la possibilité de traquer les mouvements du visage.

Dispositifs haptiques

Les technologies haptiques ont vocation à rendre notre entrée dans le virtuel réellement immersive. L’idée est de percevoir, dans le monde virtuel, des sensations du monde réel comme ressentir l’impact d’une balle avec des gants haptiques par exemple, ou celle d’une chute. Pour faire simple, un dispositif haptique donne l’illusion d’une sensation de toucher. Si notre peau permet de ressentir ce qui nous entoure grâce à des récepteurs tactiles reliés au cerveau, la technologie haptique le fait quant à elle grâce à des vibrations. C’est le « feedback haptique ».

L’une des premières applications de la technologie haptique a été l’aviation, dans les années 60, afin d’augmenter la sécurité des vols. L’objectif du « retour haptique » était de permettre aux pilotes de mieux comprendre ce qui se passait à l’extérieur de l’avion.

Le monde du jeu investit ensuite cette technologie. A titre d’exemple, en 2020, les manettes DualSense de la console PlayStation 5, génèrent des vibrations permettant de distinguer les armes dans les jeux de tir et des pistes différentes dans les jeux de courses. Autre exemple, au CES de janvier 2022 à Las Vegas, une combinaison haptique a été présentée comme susceptible de ressentir des sensations physiques telles que « le souffle du vent » ! Concrètement, le gilet intègre des moteurs vibrotactiles qui seraient capables de générer des vibrations couvrant 100% de ce type de perception humaine. Aujourd’hui, il existe aussi des écrans de smartphones à retour haptique capables de créer une véritable sensation de texture.

Cette technologie reste au cœur de l’attention de nombreuses équipes de recherche engagées par des entreprises briguant le leadership dans le métavers. D’ailleurs, pour mener à bien ses projets de métavers, Meta vient de racheter une startup qui a créé le logiciel Lofelt Studio capable de convertir facilement du contenu en retour haptique. Objectif, permettre de ressentir dans ces univers virtuels, par exemple la nature d’une poignée de main virtuelle, la rugosité d’une surface, l’humidité d’un lieu. 

A noter que la technologie haptique n’est pas seulement vouée aux métavers, elle est aussi utilisée dans l’Espace, notamment par la NASA et l’Agence spatiale européenne, pour doter de futurs robots haptiques, contrôlés depuis la Terre, de sensations permettant de mieux comprendre leur environnement.

Systèmes de monétisation, cryptomonnaies et NFT

Au-delà de ces technologies dédiées, « vivre » dans les métavers impose de pouvoir acheter, vendre des services ou des biens. L’univers des cryptomonnaies a donc mis le pied dans la porte de ces univers virtuels.

De fait, les cryptomonnaies reposent généralement sur des technologies blockchains. Définition : « une blockchain est un registre, une grande base de données qui a la particularité d’être partagée simultanément avec tous ses utilisateurs, tous également détenteurs de ce registre, et qui ont également tous la capacité d’y inscrire des données, selon des règles spécifiques fixées par un protocole informatique très bien sécurisé grâce à la cryptographie ».

Payer n’est pas tout dans un monde virtuel. Encore faut-il pouvoir « certifier » de son achat, qu’il s’agisse d’une œuvre d’art, d’un local virtuel d’exposition, d’un abonnement à une salle de spectacle ou à un cours, etc. Les NFT (Non Fungible Token) sont des titres de propriété, sous forme de jetons cryptographiques valorisés, auxquels est rattachée une identité numérique.

Protégés par la cryptographie, ces « crypto-actifs » permettent, par exemple, de garantir l’authenticité d’une œuvre originale. Ils peuvent aussi, par exemple, servir de passeport numérique pour un véhicule par la constitution d’un dossier d’entretien numérique inviolable et sécurisé. Autre exemple, une gamme de sneakers, en partenariat avec un champion du monde de football freestyle, associe chaque chaussure à un NFT qui permettra à son détenteur authentifié des expériences personnalisées et exclusives avec le champion.

De nombreuses plateformes, qu’elles soient de jeux ou de territoires virtuels (dont certaines se composent de milliers de parcelles) sont ainsi monétisées via des cryptomonnaies ayant recours à des collections NFTs.

Enjeux et défis pour les métavers versus monde réel

– Hi, cKiou voit que les métavers inspirent quantité d’efforts technologiques. Est-ce que cela veut dire que, même si les clients humains n’ont pas encore investi en masse ces espaces virtuels, ils vont se multiplier ? Et du coup, que le vrai monde va changer comme on l’a vu quand le Web et les réseaux sociaux sont arrivés ?

– Tu as raison, on doit dès à présent se poser ces questions. En effet, il est probable que cette « entrée en virtualité » change beaucoup de choses pour nous, Humains. Plus ces univers virtuels sont immersifs, plus ils drainent de défis sociétaux, notamment éthiques, écologiques et culturels.

Notre société terrienne se trouve ainsi confrontée à de nouveaux enjeux économiques, bien réels, avec leurs cortèges de solutions à imaginer, de réponses à trouver au plus près des valeurs culturelles que nous souhaitons préserver.

Enjeux de cybersécurité

L’un des tous premiers enjeux à relever (notamment en termes calendaire) est certainement celui de la cybersécurité. Les cybercriminels de tous poils voient déjà dans les métavers l’opportunité d’étendre leurs champs d’actions.

Quel que soit le lieu, réel ou virtuel, gagner ou dépenser de l’argent est un sas pour la criminalité. On retrouve donc dans les univers virtuels le même panel de cybermenaces que dans le monde numérique actuel. Ils présentent cependant plus de difficultés, à la fois pour les identifier et pour les protéger, d’autant qu’ils peuvent offrir aux délinquants un sentiment d’impunité apparente et une déresponsabilisation accrue.

De plus, certains spécialistes des cybermenaces commencent à parler de l’émergence d’un « darkvers », sorte de « darknet », marché occulte dédié à la cybercriminalité, avec des salles spécifiques accessibles via des jetons d’authentification type NFT. De telles « salles de cybercriminalité » pourraient héberger tous les types de menaces déjà existants comme les attaques de phishing (ransomwares), des escroqueries sur les biens immobiliers virtuels, le trafic de données personnelles, la criminalité étatique, la désinformation (fabrique et diffusion de fake news pour manipuler les opinions publiques, etc.).

Les métavers ayant recours à des systèmes spécifiques de monétisation, ils peuvent ainsi également contribuer à des activités de blanchiment d’argent pour les organisations criminelles avec transfert de fonds réels vers des comptes virtuels et réciproquement.

Autant dire que les enquêteurs du CyberGEND (réseau créé en 2021 pour lutter contre la criminalité dans le cyberespace) et leur « laboratoire de la preuve numérique avancée » vont avoir du pain sur la planche. Le numérique ignorant les frontières, et les cybercriminels opérant souvent depuis l’étranger, leurs enquêtes font souvent l’objet d’une coopération européenne.

Plus généralement, pour lutter contre la cybercriminalité grandissante, en France, des licornes supplémentaires dédiées à la cybersécurité devraient voir le jour et des milliers d’emplois supplémentaires devraient être créés dans le secteur.

Enjeux juridiques…

La virtualité va aussi devoir se confronter aux règles établies pour notre monde terrestre. Quid par exemple d’une adresse virtuelle ? Qui dit nouveaux univers dit nouveaux territoires où l’on investit, que ce soit pour construire un magasin virtuel, une galerie d’art, une copropriété de joueurs… Sachant que le droit humain repose en grande partie sur la territorialité, que l’adresse physique ancre, et souvent légitime, notre existence. Notre adresse terrienne représente une valeur matérielle, des droits locatifs ou de propriété. Elle induit des contraintes, des charges, des limites, elle s’assure, s’amortit… 

De même, dans le métavers, notre double numérique peut mener une existence individuelle ou collective, acheter, vendre, signer des contrats, travailler, apprendre, jouer… Quid de ses droits et devoirs ? A priori, le droit général s’applique, ce qui est interdit dans le monde physique, l’est aussi dans un monde virtuel. Mais des particularités existent : les violences physiques vs violences virtuelles. Vont-elles conduire à définir un nouveau cadre juridique dédié pour faire cohabiter notre monde physique au monde des pixels ?

…Et de souveraineté

Plus largement, la notion de territoire virtuel, étendue à l’échelle internationale, peut-elle imposer des enjeux de souveraineté comme celle du monde réel ? Sans doute pas au sens où elle s’entend concrètement. Pourtant, le numérique est normé par les cultures et les États ou institutions. A l’exemple de la Chine qui impose à ses concitoyens ses propres règles et droits d’accès à l’information. Ou encore de l’Europe qui a institutionnalisé le Règlement général sur la Protection des Données et a défini des règles éthiques pour les systèmes d’Intelligence Artificielle et les comportements en ligne. Qui sait, les métavers pourront peut-être contribuer à renforcer les lignes adoptées par les États au bénéfice de leur souveraineté.

Défis écologiques

Parmi les défis portés par les métavers, la question de l’éco-responsabilité est à considérer avec une acuité particulière. Certes, un showroom virtuel peut s’avérer moins énergivore que s’il est organisé à l’autre bout du monde, avec climatisation et arrivées en jets privés. Mais le numérique, la circulation des données, le développement des datacenters… doivent être raisonnés. Les usages aussi : regarder une heure de vidéo consomme d’avantage d’électricité qu’un réfrigérateur pendant toute une année. Passer une heure dans un métavers doit avoir à peu près le même bilan carbone. Or, l’immersion dans des univers ludiques (poussée par les algorithmes de captologie conçus pour retenir l’utilisateur, afin d’enregistrer le maximum de données sur son activité) peut facilement faire oublier à la fois la notion du temps et les repères ou contraintes du vrai monde. Peut-être faudra-t-il instaurer (imposer aux plateformes) des time codes d’alerte !

Défis éthiques

La société numérique, dans laquelle nous sommes entrés, a entrepris de revisiter nombre des règles issues de notre « vieux monde ». En poussant la porte du Web et des réseaux sociaux, en s’appropriant les outils d’intelligence artificielle, elle cherche déjà à faire entrer ses valeurs dans les nouvelles cases qu’elle découvre. Si la voie est ouverte par cette première prise de conscience, les métavers commencent à multiplier le nombre de cases à cocher, avec une complexité accrue notamment du fait de la « frontière » beaucoup plus floue qu’ils créent entre le réel et le virtuel.

Les risques d’exclusion, de cyberharcèlement, de protection des données, d’identité numérique et de contrôle d’accès aux mineurs pour certains sites par exemple, exigent dès à présent une prise en compte institutionnelle. Certes, de telles questions se posent déjà dans le monde numérique actuel, mais elles devront s’adapter à cette nouvelle virtualité immersive, et l’on sait que les usages et mésusages liés à l’innovation courent toujours plus vite que le régulateur.

Une première charte éthique « pour une conception et une pratique éthique des mondes virtuels et du Métavers » vient d’être proposée.

Laurent Chrétien, CEO de Komodal, et Jérôme Béranger, CEO de GoodAlgo et Chercheur associé au CERPOP, proposent une « Charte éthique » en 10 points à intégrer dans la conception, la mise en place, l’usage et le suivi des mondes virtuels : Bienfaisance, justice, autonomie, non-malfaisance, dignité humaine, régulation collaborative, garantie humaine, humanité digitale, transparence et environnement durable.

 

Défis socioculturels

L’immersion dans des univers virtuels véhicule à la fois des modèles socioéconomiques et des concepts culturels qui restent à adapter/inventer. De plus en plus de grandes entreprises testent dès à présent ce marché potentiel. Pour les pionniers, l’idée c’est d’y être, à la fois pour occuper les meilleurs spots, mais aussi pour bénéficier d’une antériorité dans leur secteur, et d’une expérience. On sait que l’avantage concurrentiel revient souvent aux précurseurs !

Parmi les épiphénomènes induits par le nombre (et le poids) des premiers investisseurs, une chasse aux talents spécifiques s’est engagée, notamment chez les entreprises qui ont annoncé de grands projets dans ce secteur (comme Meta ou encore Microsoft). Déjà, certains métiers du numérique commencent à évoluer pour s’adapter à ces univers virtuels, comme par exemple le design, de plus en plus exigeant et servi par des outils d’IA toujours plus puissants, ou encore la cybersécurité.

Des sociétés virtuelles vont forger leurs nouvelles économies avec des approches différentes d’une région du monde à l’autre, dans un premier temps certainement à l’image de leur société terrestre. Mais elles pourraient aussi questionner le futur.

On voit déjà poindre de nouveaux rapports avec l’éducation, la culture, le sport, la santé. Dans ces domaines majeurs, une vision sociétale reste à construire autour de la mixité « monde réel vs virtuel », comme ont pu le faire l’arrivée du Web, celle des réseaux sociaux d’Arpanet à nos jours

Les enjeux des métavers pour la France

 

Rapport de la mission exploratoire

Synthèse des pistes de réflexion
– organiser l’infrastructure, soutenir l’innovation, miser sur les usages culturels, orchestrer la régulation et prendre en compte les enjeux sociétaux et environnementaux.
Synthèse des propositions
– Panorama des enjeux liés aux développements des métavers, opportunité culturelle pour la France, promouvoir la filière française et européenne des industries culturelles et créatives, la formation et la recherche
Analyser la chaîne de valeur
– Dans quelles briques technologiques investir, cartographie des métavers et des acteurs, actifs numériques et économie des créateurs
Des freins structurels technologiques à dépasser
Repenser notre rapport au numérique
– Acceptabilité sociale, enjeux environnementaux, sujets de santé publique
Anticiper des cadres de régulation adaptés

Singulier, pluriel… défi ou coquetterie sémantique ?

– Hi, cKiou a une petite question sur la sémantique. Toi, tu parles « des métavers » alors qu’on entend souvent parler « du métavers », au singulier. Tu m’expliques ?

– Bien vu cKiou ! Tu es une petite futée maintenant ! Aujourd’hui, on voit de nombreuses approches de métavers : qui pour mettre en scène des produits de marques et générer une nouvelle expérience client ; qui pour promouvoir des cultures, des artistes ; qui pour donner accès à des formations ludiques et/ou expérimentales (à l’exemple d’un hôpital-métavers, sous forme de jumeau numérique, dédié à la formation en santé)… Or, ces métavers sont distincts, cloisonnés. Passer du pluriel au singulier ne sera donc pas une coquetterie sémantique ! Le singulier sera un autre défi socioculturel, celui de l’interopérabilité.

Il me semble en effet que l’on pourra parler « du » métavers quand ces univers seront interopérables. Cette idée est d’ailleurs à l’origine d’un consortium de 37 membres fondateurs, industriels de la tech, le « Metaverse Standards Forum » qui s’est formé le 21 juin 2022. L’objectif est de permettre une navigation entre ces univers virtuels, de parvenir à une sorte « d’Internet du métavers ». L’idée c’est que ton avatar puisse se promener d’une salle de sport à un musée en passant par tes jeux vidéos ou le salon d’essayage de ta marque préférée de T-shirts 😊, et cela à l’échelle mondiale !

Dans les « tuyaux » du métavers

Perceptions de prospectivistes

Au-delà de l’interopérabilité qu’il serait souhaitable de trouver dans les « tuyaux » du métavers, certains prospectivistes tentent d’imaginer ce que pourrait être cette nouvelle virtualité.

Le cabinet Accenture, qui produit chaque année des études sur les tendances technologiques émergentes et leurs impacts sur les entreprises, anticipe « des bouleversements majeurs liés à l’émergence du métavers ». Selon lui, 71% des dirigeants pensent déjà qu’il aura un impact positif et 41% qu’il va transformer l’entreprise en profondeur.

Espace de travail virtuel : Nth floor Accenture

Il voit des espaces de travail virtualisés où les avatars des collaborateurs travaillent en distanciel. Il a d’ailleurs développé son propre espace « Nth floor » qui doit concerner quelques 150  000 membres de l’entreprise.

Gartner quant à lui « s’attend à ce qu’un métaverse fournisse des opportunités et des modèles commerciaux persistants, décentralisés, collaboratifs et interopérables qui permettront aux entreprises d’étendre leurs activités numériques ». Il pointe également les lieux de travail, de divertissement, des interactions autour de la monnaie numérique, des actifs numériques, des activités commerciales : un commerce immersif, des constructions de maisons virtuelles, des achats de terrains numériques, de tenues et d’accessoires pour les avatars en ligne. Ou encore de nouvelles expériences sociales virtuelles, des salles de classe virtuelles pour vivre un apprentissage immersif, un marché de l’art numérique et d’objets de collection.

Un format dédié au métavers de demain

Nous connaissons le « HTML » comme format dédié au Web depuis le début des années 90. Un autre format, l’USD (Universal Scene Description) pourrait devenir celui du métavers. Ce format, créé par Pixar, société de production de films d’animation, est disponible en open source depuis 2016.

Il a été pensé spécifiquement pour l’univers des jeux vidéo et les scènes 3D des films d’animation. En devenant un standard pour le secteur, il pourrait contribuer à l’interopérabilité, notamment des équipes de créateurs et des métiers de l’animation et au-delà, puisqu’il a déjà été implémenté pour un navigateur.

La communauté des mondes virtuels existants se mobilise dès à présent pour répondre à une demande massive de création de contenus.

Métaversophiles et métaversophobes

– Hi, cKiou a remarqué que si des Humains sont enthousiastes, d’autres sont hostiles à l’idée de voir ces univers virtuels investir le monde numérique. Est-ce que ce « bras de fer » qui s’est engagé sur la perception des métavers peut avoir une incidence sur leur éventuel développement ?

– Ma petite cKiou, merci pour ta question qui me rappelle que tu as déjà 5 ans, en me ramenant à ces années qui ont précédé ta naissance (et donc celles de l’Intelligence Artificielle) ! A cette période, nous avons pu constater les mêmes types de réactions autour de l’émergence de ces technologies qui ont interpelé un grand nombre d’Humains. On ne savait plus où donner de la tête entre les fascinations, les levées de boucliers et les fantasmes antagonistes de « fin de l’Humanité » ou de « vie éternelle ».

Cela dit, il est particulièrement sain de s’interroger sur les impacts des technologies émergentes et de leurs usages. D’autant que certains des usages qui ont marqué l’Histoire du numérique ont fortement impacté nos vies avec des effets oscillants entre opportunités et risques. Pour ne citer qu’eux : la messagerie électronique qui a simplifié les échanges, mais est devenue très chronophage. Ou encore l’arrivée des réseaux sociaux qui ont certes facilité le lien social, mais où l’on a découvert une algorithmie préjudiciable. Concoctée par les GAFA pour générer une économie de l’attention extrêmement lucrative, elle retient l’internaute autant que possible et le conduit à l’enfermement dans ses préférences d’informations.

Aujourd’hui, il est donc logique que le « phénomène métavers » lève à son tour des réactions contraires, ponctuées par des espoirs d’un monde meilleur, dont on a vu qu’ils s’inscrivaient dans son ADN. Mais aussi par des préoccupations dictées (entre autres) par l’indispensable besoin de sobriété numérique. Même si, dans ce domaine, certains experts notent déjà que la pression existante (due à la multiplication des épiphénomènes liés au dérèglement climatique) pourrait inciter à l’émergence de « metaverse for good » susceptibles de contribuer à une société plus écoresponsable, voire à favoriser des comportements plus vertueux.

Dans le domaine de l’économie, nous avons vu plus haut que d’autres experts en attendent un potentiel de ressources conséquent. En matière d’emplois, les univers virtuels sont aussi perçus par certains comme de nouveaux outils de recrutement à la fois rapides et efficaces, et comme une nouvelle façon de travailler susceptible de séduire les talents dans des domaines actuellement contraints de gérer la pénurie.

Pour conclure…

Il n’existe pas de boule de cristal qui permette de dire que la courbe de croissance des métavers (et de leurs usages) sera identique à celle des systèmes d’IA, aujourd’hui présents dans tous les secteurs de la société. On peut cependant établir un parallèle entre les deux « entrées en scène » et noter que nombre de signaux forts convergent dès à présent vers le développement de la virtualité que proposent les métavers.

Alors, pour départager les métaversophiles et les métaversophobes, pourquoi ne pas évoquer le philosophe Sénèque qui disait, il y a deux mille ans : « Pour être heureux, il faut éliminer deux choses : la peur d’un mal futur et le souvenir d’un mal passé ». D’autant que, forts des expériences numériques que nous avons acquises ces deux dernières décennies, et au regard de ce que nous enseigne l’Histoire sur l’adaptabilité de l’Humanité, la réalité devrait pouvoir se situer au milieu du gué, entre ces deux rives !

– Hi, cKiou a l’impression que, in fine, l’avenir de ces nouveaux mondes virtuels est entre les mains des Humains, à travers le choix qu’ils feront d’y aller ou non, selon les perceptions qu’ils en auront.  Et cKiou est toute fière de contribuer, avec toi, à les sensibiliser à ce qui se passe dans le monde numérique, pour qu’ils en perçoivent mieux les enjeux, les usages, leurs conséquences, les risques !

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