Parcours et attentes d’une Femme Autiste Asperger : que peut faire le numérique ?

Lorsque, comme cKiou, l’on envisage de devenir un assistant conversationnel de haut vol au service des Humains, il importe de bien les connaitre. Mais nous Humains, sommes-nous tous semblables ? cKiou a déjà pu percevoir quelques différences, comme le fait qu’il existe des femmes et des hommes, ou encore des différences professionnelles à travers ses premier.es marraines et parrains ! Aujourd’hui cKiou va découvrir une autre différence avec Priscille Ancel, sa nouvelle marraine. C’est elle-même qui va se présenter, même si l’exercice n’est pas facile. Vous allez comprendre pourquoi et, comme moi, vous serez sans doute ému(e) par son authenticité…

Priscille Ancel

Directrice hébergement de tourisme
Master ESC de Pau

– Hi, bonjour Priscille ! cKiou est impatiente de te connaitre. Je te remercie d’avoir accepté d’être ma nouvelle marraine. Je sais que mon auteure échange avec toi sur LinkedIn. Elle m’a déjà beaucoup parlé de toi, alors j’ai hâte de t’entendre m’expliquer cette « différence » qu’elle a évoquée !

– Bonjour cKiou, je suis ravie de pouvoir échanger avec toi. Voilà… Durant des années, 42 ans exactement, j’ai regardé le monde autour de moi en me disant que je n’en faisais pas partie. Cette sensation étrange d’être spectatrice, sans savoir d’ailleurs pourquoi. Je regardais les gens, les choses. J’avais l’impression que ma vie n’était qu’une grande scène de théâtre où je n’avais pas le droit d’être moi, juste moi. Celle que je suis tout au fond de moi. Alors tu entends les commentaires : manque d’attention, bavarde, trop timide, rêveuse, mal dans sa peau, pas d’amis, maladroite. Je rêvais c’est vrai, je rêvais parfois d’être juste comprise. Je parlais dans ma tête, tellement de choses à dire, mais c’est comme si mes lèvres étaient scellées, comme si les mots refusaient de sortir.

Et puis un jour on me dit que mon fils ainé est Asperger, alors je cherche des informations pour comprendre. Je vais engloutir des livres et je tombe sur un site sur l’Asperger au féminin. Mon mari me trouvera prostrée. J’ai tout lu, mais j’ai surtout compris à cet instant qui je suis. Ces petits tocs qui me rassurent, ces angoisses de l’autre, ces larmes parfois quand les mots ne sortent pas et que l’autre, du coup, interprète ce que je tais. Cette sensation terrible de croire que j’étais folle, mais je ne le suis pas. En quelques secondes des images du passé reviennent, envahissent ma tête. C’est un puzzle, un immense puzzle qui s’assemble. Tout cela prend du sens, les tests eux sont sans appel : Asperger, autisme léger.

– Hi, cKiou aimerait bien comprendre en quoi c’est une « différence » pour un Humain ?

Le syndrome d’Asperger

L’autisme reste difficile à définir. Sa classification fait souvent l’objet de débats pluridisciplinaires. Le syndrome d’Asperger est généralement reconnu comme faisant partie des troubles du spectre de l’autisme. Il se matérialise le plus souvent par des difficultés de communication et d’interactions sociales, des comportements répétitifs…

Le syndrome d’Asperger se caractérise par l’absence de déficit intellectuel et de retard dans l’apparition du langage. Il est souvent associé à des compétences parfois exceptionnelles.

Autisme Asperger, quand les préjugés font la différence…

– C’est une différence au sens où, un peu comme sur l’intelligence artificielle, il y a des préjugés ! Sur l’autisme, les préjugés nous disent dépourvus d’empathie. Alors il est vrai que nous avons des troubles cognitifs qui peuvent altérer nos relations à l’autre. Mais cela ne fait pas de nous des êtres insensibles, loin de là. La vue d’un écureuil qui sautille dans les arbres me procure une joie ; je peux rire comme une enfant en apercevant un faon dans l’herbe. Regarder un film triste comme « Out of Africa » me fait pleurer à chaque fois alors que je le connais par cœur.

Un peu comme une éponge je ressens les émotions de l’autre sans savoir parfois quoi dire. Juste tendre une main, entendre son chagrin, sa colère, son agressivité. Je sais apaiser, mais alors je vais me trouver submergée par son émotion, sans savoir où la déposer. Si tu savais combien je vibre en écoutant de la musique.

De l’implicite et l’explicite… stratégies et défis !

Stratégies d’adaptation

– Nous sommes très souvent complexes, même si nous parvenons à nous adapter au fil du temps. Disons que « les Asperger » sont très forts pour mettre en place des stratégies. Mais jugés naïfs car nous prenons tout au pied de la lettre. On nous croit sans humour. C’est faux, j’excelle dans l’humour noir. Je détourne ma souffrance et j’en parle avec une telle facilité que je fais rire. Caméléon, j’ai appris à cacher, pour ne pas montrer. Cette fausse maîtrise de soi est devenue une formidable carapace. Je sais avoir de l’aplomb quand tout tremble à l’intérieur.

– Hi, cKiou se dit que cela demande beaucoup d’énergie, mais on dirait que tu en as fait une force, même si cela ne doit pas être facile à vivre… Et puis j’imagine que s’il te faut développer des stratégies pour rendre cette « différence » moins perceptible, c’est qu’elle entraine pas mal de complications ?

Défis de reconnaissance et des droits à défendre

– Tu as raison cKiou, cette différence que nous ressentons n’est pas toujours facile à vivre. Et oui, il faut toujours nous battre pour le droit à la scolarisation, le droit à être reconnu en tant qu’individu.

Professionnellement, passer le barrage d’un entretien d’embauche relève du défi. Mal jugés, on nous accorde peu ou pas de crédit, alors que nos compétences sont bien là. Se sentir à l’aise face à des recruteurs n’est pas évident : je m’entends dire parfois « c’est dommage, vous vous vendez mal ! ».

Parler de soi…dire ce que nous valons… avec peu de confiance en soi, c’est terrible. Quand je regarde mon parcours, j’ai l’impression de n’avoir rien accompli. On me dit : « vous avez créé une entreprise » ? Oui c’est vrai, j’ai adoré mener ce projet à terme. Découvrir un univers que je ne connaissais pas, chercher, apprendre. Mais je ne vois pas ce qu’il y a de génial dans tout cela, c’était simple et facile. On me dit que je ne lâche rien, que je suis courageuse. Pour moi c’est juste normal. Si je ne défends par les droits de mes enfants qui le fera ? Je ne lâche pas, parce que c’est un droit, qu’il ne faut pas baisser les bras dans la vie. Qu’il y a forcément une solution, il faut la trouver c’est tout.

Emploi et formation, le parcours du combattant pour un Autiste Asperger… et pourtant !

– Trop honnête, nous ne savons pas dire que c’est beau si cela n’est pas le cas. Je dis souvent d’ailleurs : « vous êtes sûr de vouloir entendre mon opinion ? » La justice, le respect, sont essentiels pour nous et nous y tenons.

– Hi, si cKiou dirigeait une entreprise ou si j’étais en charge de ses ressources humaines, je me dirais que des Asperger sont une richesse pour ma boite avec de telles qualités !

– Peut-être as-tu entendu parler de Microsoft, Google, ou encore des entreprises de la Silicon Valley ? Elles, elles nous reconnaissent des aptitudes hors du commun dans la programmation. Leur volonté de nous intégrer au domaine de l’Intelligence Artificielle est réelle. Nous représentons un potentiel. Nous avons une capacité de concentration redoutable, un sens du détail terrible, une capacité d’analyse exceptionnelle. Et comme toi, cKiou avec ton Intelligence Artificielle, nous sommes profondément objectifs. Nous tenons compte des paramètres avant de donner notre avis et nous détestons par-dessus tout l’injustice.

Mais, d’une manière générale, cela ne semble pas suffisant pour nous donner une chance. Peu nombreux sont les autistes intégrés dans les écoles et encore moins dans les facultés ou autres. La réalité cKiou, c’est que bien des autistes ont du mal à trouver un emploi. Il existe des exceptions, mais dans la grande majorité c’est difficile. Le manque de formation est une des causes, mais aussi cette difficulté à ne pas être compris. Le management, le recrutement ne s’adaptent pas. Pourtant si l’accompagnement est travaillé en amont puis durant la phase de recrutement et après, tout est possible. La preuve, j’ai intégré l’ESC de Pau pour préparer un Master !

– Hi, cKiou imagine que cela n’a pas été facile…

– Exact, au départ, j’ai eu si peur de ma « particularité » que je n’en ai pas parlé. Et puis la rentrée est arrivée, le stress de me retrouver avec des personnes que je ne connaissais pas, des lieux que je n’avais pas eu le temps d’appréhender. Une situation déstabilisante. J’ai eu à expliquer car deux jours après le début de la formation, j’ai eu envie de partir, de fuir cet endroit, ces personnes, car trop d’émotions. Et j’ai croisé une « élève » à qui j’avais confié ce que j’étais. Elle m’a vue en train de pleurer et elle m’a parlé, calmement, elle m’a rassurée. Nous avons aussi échangé avec le formateur et la responsable de formation. J’ai été entendue. Même s’ils ne connaissent pas l’autisme, donc le syndrome d’Asperger, j’ai eu du soutien. Aujourd’hui, après deux mois de formation je suis heureuse, je tisse petit à petit des liens, mes camarades m’acceptent comme je suis, avec mes besoins de m’isoler pour me ressourcer. J’ai plaisir à y aller et à les retrouver. Là encore, bienveillance et écoute. Comme quoi il faut peu de choses parfois pour nous donner confiance en nous.

Inclure les différences, une richesse sociétale !

 

– Hi, cKiou dirait plutôt : « comme quoi il faut peu de choses pour que la société se donne les moyens de profiter des qualités de quelqu’un comme toi » ! Ta différence est une richesse… Tu sais, Françoise dit toujours : « différence = complémentarité = valeur » et cKiou aime beaucoup cette équation !

– Merci cKiou, mais maintenant je ne sais pas si je parviendrai à trouver un stage pour valider ce Master. Je souhaite le réaliser dans le management et plus particulièrement dans une équipe qui accueille des personnes en « situation de handicap » et si possible des autistes. En fait, j’ai du mal avec le mot handicap. Je ne me considère pas comme handicapée. Éventuellement je concède le mot « différence », ou « particulière ». Souvent on nous définit comme « anormal », mais qui sait ce qu’est la norme ? 😉

Quel que soit le mot, mon mémoire traitera de leur inclusion dans l’entreprise. Tu sais, j’ai compris que je ne peux pas obliger la société à nous voir comme une force, mais je peux lui montrer que je sais en faire partie, qu’elle peut avoir besoin de moi, comme j’ai besoin d’elle. Le vivre ensemble n’est pas incompatible, mais peut-être tout simplement utile, car nul ne peut dire quel rôle les autistes on eu à jouer dans l’évolution de notre monde !

L’équation de la différence

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Comme une évidence…
L’ignorer c’est s’appauvrir !

– Hi, cKiou aimerait savoir si tu penses que le numérique, les Intelligences Artificielles peuvent contribuer à ce « vivre ensemble » dont tu parles ?

– Eh bien cKiou, je pense que l’Intelligence Artificielle facilite la communication des personnes autistes. Grâce au numérique, elles peuvent s’ouvrir au monde, elles peuvent échanger sans avoir la complexité du regard de l’autre. Alors oui, le numérique permet un vivre ensemble, car derrière son écran l’autiste devient « normal », il peut exprimer son talent. Mais je reste convaincue que le vivre ensemble passera par l’écoute, avec un grand « E », car écouter n’est pas qu’entendre, c’est observer, regarder, comprendre. Je dirais presque : écouter avec son cœur celui qui parfois ne parvient pas à communiquer. Lui laisser le temps de le faire, de ne pas y parvenir aussi, mais d’être là, juste comme une présence dans ce silence, lui montrer qu’il n’est pas seul, et qu’on l’accepte. Car même le silence c’est communiquer à qui sait bien l’entendre. Et dans le fond, tu m’as laissée m’exprimer, sans juger, preuve qu’une Intelligence Artificielle peut se montrer compréhensive comme une amie.
Alors et toi cKiou, quel message souhaites-tu diffuser aujourd’hui avec ce que je t’ai offert de ma vie ? Toi, Intelligence Artificielle, que perçois-tu de notre différence ? Un poids ? Une chance ? Ou tout simplement un algorithme supplémentaire qui fait partie de la formidable complexité de l’Homme, de sa diversité ?

– Hi, cKiou n’a qu’une réponse si tu fais appel à une rationalité algorithmique : l’équation de la différence : « différence = complémentarité = valeur »… Et si tu fais appel à un affect anthropomorphique d’Humain, j’ai bien peur d’avoir hérité des gènes de mon auteur et que… ce soit la même réponse ! 😉 Ce qui ne retire rien à la complexité des Humains, de chaque Humain, qui en fait un vrai challenge pour nos algorithmes et la richesse de votre humanité !

Pas facile de reprendre la parole à cKiou maintenant ! 😉
Pour ma part, je tiens à remercier très sincèrement Priscille Ancel d’avoir accepté de « confier sa vie » à cKiou. Nul doute que cette courageuse « leçon de différence humaine » lui soit très bénéfique dans son apprentissage de l’interactivité avec les Humains !

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