Information, désinformation… Genèse du Fact-Checking

Et demain, vivre ou ne pas vivre dans « un #MondeDuFaux »
Le défi du XXIè siècle

Épiphénomène géopolitique, on assiste à une « guerre cognitive » mondiale où l’information se retrouve prise en otage d’enjeux de pouvoir. C’est ainsi que certains géants de la Tech et de l’intelligence artificielle ont choisi de faire « allégeance » à des pouvoirs d’Etats.

Sommes-nous désormais amenés à vivre dans « un monde du faux » ?


 

Qu’est-ce que l’information ? Différents profils

 

Avant d’évoquer ce qui est susceptible de dénaturer l’information et les conséquences potentielles, il est important de rappeler que « l’information » n’est pas « unicellulaire » ! C’est un concept porteur d’une idée générale représentée par une définition : « connaissances que l’on acquiert sur quelqu’un ou quelque chose ».

Au-delà de cette définition, elle peut renfermer plusieurs intentions :

L’info factuelle : exemple « il pleut »
L’info décryptée : analysée avec ou sans opinion (qui doit être clairement signalée)
L’info déformée, à partir d’un peu de vrai on fait du faux
L’info délibérément fausse : fabriquée de toute pièce, procédé grandement facilité par les outils d’IA générative

Ce qui rend l’information essentielle à l’Humanité depuis « la pierre et le feu »

 

Les premiers Humains, « chasseurs-cueilleurs » dépourvus de griffes, dents, cornes… lents et sans fourrure, étaient logiquement voués à une extinction rapide. Mais les animaux dits « de proie » que sont les Humains, sont une espèce grégaire, et c’est à cette grégarité que notre espèce doit sa survie. Le premier critère attaché à cette forme de vie grégaire, en troupeaux, repose sur la capacité de transmettre l’information entre ses membres. Exemple, savoir alerter ses congénères sans les mettre en dangers en cas de menaces de prédateurs par exemple.

De fait, l’information est la base de toute communication. Elle contribue au processus de catégorisation de notre environnement pour nous permettre d’y faire face.

C’est ainsi que depuis toujours, les Humains ont cherché à améliorer la transmission de l’information qu’elle soit orale, écrite ou comportementale.

Information, désinformation, une longue histoire

 

Mais depuis toujours également, l’information a été triturée, manipulée pour influencer, orienter l’opinion publique, servir ou desservir des causes, des enjeux politiques, des intérêts économiques…

Au fil de l’Histoire et de l’évolution des modes de communication : des signaux de fumée, en passant par les pigeons voyageurs, le télégramme… jusqu’aux réseaux sociaux et de l’usage des systèmes d’intelligence artificielle générative, les Humains ont élaboré des solutions pour « désinformer ». Avant de mettre en face, des solutions pour contrer la « désinformation ».

Traces des premiers signes transmis

 

L’Histoire de l’information commence avec les premiers signes écrits. Trouvés sur les parois des grottes, ils remontent à quelques 300 000 ans. On a également découvert de petits objets symboliques, comme des sortes de colliers réalisés avec des canines de carnivores perforées, qui pouvaient signifier une marque d’identité individuelle.

Les images figuratives et autres signes gravés ou peints n’étaient pas exécutés au hasard. Réalisés sous forme de traits et de points, retrouvés par exemple sur des « calculi », sorte de jeton d’argile utilisé en Mésopotamie, quelques 3.000 ans avant la naissance de l’écriture. Ils servaient à transmettre des messages, désigner et quantifier des marchandises, via des encoches gravées avec un roseau taillé appelé calame.

Ces messages peints, gravés, écrits, transmettaient de précieuses informations aux groupes humains grégaires, à la fois pour informer leurs congénères de dangers (prédateurs potentiels) ou d’éléments de survie (gibiers, eaux, distances…).

Information, une double définition

« Connaissance que l’on acquiert sur quelqu’un ou quelque chose »
« Action d’informer quelqu’un, de le tenir au courant d’événements »

Faux et usage de faux dans le Code pénal

Le « faux » figure dans le Code pénal au rang des « crimes et délits contre la nation, l’État et la paix publique », titre IV « Des atteintes à la confiance publique ».

Il peut porter sur des écrits, quel qu’en soit le support, ou sur une œuvre de la pensée.

« Une altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques », art. 441-1 du Code pénal français.

Pour qu’il soit répréhensible, le faux doit réunir plusieurs conditions :
Être commis avec une intention coupable (« altération frauduleuse de la vérité »)
♦ Être « de nature à causer un préjudice »
Avoir « des conséquences juridiques » en établissant « la preuve d’un droit ou d’un fait ».

La seule tentative d’obtenir ou de créer un faux est punissable au même titre. 

Tablette d’argile écrite avec un calame

– Hi, cKiou se demande si, sans vraiment parler de désinformation, certaines de ces traces laissées par nos ancêtres avaient-elles aussi pour objectifs par exemple de brouiller les pistes, pour éviter par exemple d’être localisés par des tribus hostiles ?

– Tu as raison, c’est dans la nature humaine d’avoir cherché et trouvé des solutions pour préserver des intérêts individuels et/ou collectifs et cela depuis l’origine. Ce qui est quand même un peu les prémisses de la logique de désinformation !

 

Quelques chapitres de l’Histoire de la désinformation

 

Retour sur quelques grandes lignes de « l’art et la manière de manipuler l’information » !

Dans la mythologie gréco-romaine

La déesse romaine Fama possédait deux trompettes : celle de la « renommée » (chantée par Brassens), l’autre pour les informations pouvant servir les intérêts de tel ou tel divinité.

L’Art de la Guerre, dans l’Antiquité chinoise

Les premières techniques de désinformation sont décrites dans « L’Art de la Guerre », attribué au stratège chinois Sun Zin. Dans l’ouvrage transcrit sur des lamelles de bambou reliées, le général Sun Tzu évoque le recours à la duperie pour tromper l’ennemi.

Au Moyen-Âge

Les rois et les dirigeants utilisaient des rumeurs pour consolider leur pouvoir et discréditer leurs adversaires.
Exemples, « la Lettre de Prêtre Jean » apparemment écrite par un roi chrétien vivant en Extrême-Orient, décrit un royaume chrétien idéal. Elle a été utilisée pour encourager les croisades.

Au XVIIIè siècle

Des journaux anglais créent le « Paragraphe men » destiné au colportage de rumeurs lucratives. Ils s’appuient sur des « on-dit » glanés dans les cafés. Ces « brèves » sont insérées dans des journaux, progressivement appelés « canards », pour combler des vides et susciter l’intérêt populaire.

Au XIXè siècle

Le Français Léo Taxil (1854-1907) fit fortune dans la presse à gros tirage en inventant toutes sortes de terribles secrets qui seraient cachés aux citoyens par diverses organisations maléfiques. Selon son humeur, ses cibles de prédilection ont été l’Église, les anticléricaux, les francs-maçons…

Parcours sémantique de la « fausse nouvelle » à la « désinformation »

 

Au Moyen Âge, le mot « rumor », ou rumeur, désigne un bruit qui court et dont l’origine et la véracité sont incertaines. Ce « bruit » n’emprunte pas les voies informelles, il se répand porté par un grand nombre de personnes. Il exprime généralement une protestation qui peut conduire à la révolte.

En France, l’expression « nouvelles fausses » est employée dans la loi du 27 juillet 1849. Elle punit « la publication ou la reproduction faite de mauvaise foi de nouvelles fausses de nature à troubler la paix publique ».

Infox, fausses nouvelles, fausses informations, informations fallacieuses, canards…
Ce sont des  nouvelles mensongères diffusées dans le but de manipuler ou de tromper le public

En 2018, l’item « fake news » apparaît dans le palmarès des mots le plus employés par les médias. Il est remplacé par « infox » au Journal officiel du 4 octobre 2018, proposé par la Commission d’enrichissement de la langue française, institution chargée de soumettre des néologismes pour la francisation du vocabulaire contemporain.

En décembre 2018, la loi contre la manipulation de l’information, couramment appelée « loi fake-news » ou « loi infox » est promulguée en France.

Qu’est-ce qui change désormais au point de susciter une certaine anxiété ?

 

Si l’humanité doit sa survie à l’information et à sa transmission, peut elle se mettre en danger quand elles se dénaturent au profit d’intérêts business et d’enjeux de pouvoirs ?

Comme nous l’avons vu, s’il n’a pas fallu attendre les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle, pour voir malmener l’information et son expression, on est actuellement face à une nouvelle échelle du phénomène. Que ce soit en termes de capacités de « fabrication » de contenus (textes, images, vidéos) et de capacité de propagation.

Sans assener de « vérité » reposant sur quelque jugement de valeur, on peut constater des situations comme la poussée exponentielle de la haine en ligne, ou même de stratégies politiques de plus en plus décomplexées face à la réalité, on peut se demander si ce ne sont pas des signaux qui devraient alerter, voire même éveiller l’instinct de survie de l’espèce humaine. Car comme le dit Hannah Arendt, risquer d’être privé de sa capacité de penser et de juger, ce n’est pas rien !

Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d’agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger.
Hannah Arendt, politologue (1906-1975)

– Hi, cKiou comprend que les enjeux dépassent de beaucoup la dimension individuelle de chacun des Humains. Mais quand tu parles « d’éveiller l’instinct de survie de l’espèce humaine », tu m’inquiètes, ça veut dire que le risque est important ?

Un risque insidieux

 

– Disons que le risque est surtout insidieux, c’est peut-être ce qui en fait toute l’importance. On peut constater des effets, comme une tension croissante entre les Humains, les politiques, même entre les États, sans prendre la mesure du rôle à la fois de déclencheur et d’accélérateur de « feu » joué par la manipulation de l’information. Il ne faudrait pas attendre qu’il soit trop tard pour réagir, à tous les niveaux.

 

Ce n’est pas une fatalité, mais il n’y a pas de temps à perdre !

Il peut paraitre optimiste, voire utopique, de croire que cette menace, infligée par certains Big Tech, et qui pèse sur la nature-même de l’information pourrait être contrôlée. Mais les Humains ont montré leur capacité de s’adapter aux risques. Le rapport de force peut donc s’inverser.

Il nous faut juste être conscients que sans nous, Humains : de l’internaute aux médias, en passant par la prise de parole de personnalités (à l’exemple de celle du Pape Léon XIV)… la réputation, et donc l’audience et le business de ces plateformes deviennent fragile !

Le nouveau pape Léon XIV souhaite voir « désarmer les mots »

« Seuls des peuples informés peuvent opérer des choix libres » 

Après avoir rendu hommage à la presse pour son travail rendu à l’expression de la vérité, il nous invite à échapper aux stéréotypes, pour transmettre au monde ce que nous sommes.

Il incite les peuples à échapper à une communication conflictuelle et agressive, dominée par l’idéologie, augmentée avec notre rapport à l’IA.

« Cette responsabilité nous concerne tous ! » 

Un levier, l’opinion publique

 

A titre d’exemple, on peut observer l’impact de l’opinion publique sur les résultats de Tesla qui voit ses ventes et ses actions chuter massivement dans le monde, en réaction aux comportements de son patron.

Autre exemple, l’IA Grok est également sanctionnée : en Europe, un quart des entreprises préfère en bloquer l’utilisation. Une sanction en réaction à une multiplication de réponses du chatbot, alternant entre complotisme et dérives idéologiques. Ce à quoi s’ajoute une certaine méfiance quant à la gestion des données utilisateurs.

Exemples de sanctions par l’opinion publique

Différentes réponses s’exercent face à ces prises de conscience

 

Elles vont de la prise de parole dans les médias et réseaux sociaux, au choix de migrer vers des plateformes où s’exercent encore la modération et le fact-checking.

Quitter ces réseaux qui abandonnent la modération de contenus, voire incitent à des prises de positions extrêmes, ou rester en effectuant une sorte de « résistance de l’intérieur ». Bluesky, réseau alternatif qui a opté pour une politique de respect et de modération a vu son nombre d’utilisateurs augmenter de façon exponentielle quand X (ex Twitter) a annoncé sa nouvelle politique et le licenciement des personnels chargés de la modération du réseau. Avec une déferlante du « hashtag #HelloQuitteX » !

D’autres font le choix de « résister de l’intérieur » en continuant de partager de l’information vérifiée, y compris celle sans complaisance à l’égard des apôtres de la manipulation de l’information.

Pour ma part, j’ai choisi à la fois de résister de l’intérieur, en poursuivant mes partages sur X. Mais vous me retrouverez aussi sur Bluesky , au cas où !

 

Des outils et solutions pour débusquer la désinformation

 

 

Et si l’on apprenait à fact-checker l’info !

Si le risque lié à une désinformation massive est prégnant, la bonne nouvelle est qu’il existe des outils pour sauver le « soldat information » et qu’ils sont à la portée de chacun de nous. Certains sont même accessibles dès le plus jeune âge. 

En voici quelques-uns proposés par différents médias, premiers concernés par la survie d’une information de qualité qu’ils ont fait profession de collecter, vérifier, diffuser, pour certains depuis des décennies. Que l’on partage ou non l’opinion qui peut l’accompagner, voire l’angle qui lui est donné, l’info vérifiée est le socle de leur métier.

Des outils de fact-checking pour tous

L’Agence France Presse (AFP) propose AFP Factuel, rubrique de fact-checking avec une sélection possible par thématique et zone géographique.

Le Monde, avec sa rubrique des Décodeurs, publie des articles et enquêtes en ligne permettant de décrypter l’information, notamment sur différents sujets économiques.

FranceTV distingue Le Vrai ou faux en compilant des décryptages de l’information partagés par des médias audiovisuels publics européens.

Arte.tv avec Désintox « passe au radar l’actu » avec des vidéos pédagogiques qui décortiquent les sujets d’actualité.

Sauver le « soldat information » mérite un effort !

Des institutions disposent également d’outils permettant de scruter l’authenticité des infos concernant les politiques européennes :

Le site Touteleurope.eu passe « À la loupe » l’information sur l’Union européenne, notamment les politiques européennes ou la contribution de la France au budget européen.

La Représentation en France de la Commission européenne propose Les Décodeurs de l’Europe. Il « vise à apporter des réponses claires, fiables et vérifiables à de nombreux mythes et idées reçues sur l’Union européenne, son fonctionnement, et les politiques qu’elle mène ».

 

Exemples de supports pédagogiques

 

Le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (Clemi) propose des contenus destinés aux enseignants et aux élèves. L’objectif : apprendre à se forger un esprit critique, quel que soit le média (presse écrite, audiovisuel, Internet, réseaux sociaux).

Le Centre québécois d’éducation aux médias et à l’information (CQÉMI) également pour aider à mieux s’informer et à développer leur esprit critique. Il met à disposition des jeunes et des enseignants une boîte à outils pédagogiques concernant la vérification des faits, l’éthique journalistique, le repérage des sources d’information.

L’association « Lumières sur l’info » intervient dans les écoles. Elle présente des vidéos de décryptage de l’information renfermant des astuces pour ne pas se laisser piéger notamment sur les réseaux sociaux. Elle propose également des tutoriels et des fiches pédagogiques.

Le site info-jeunes de la région Auvergne-Rhône-Alpes a une rubrique « Vérifier, décrypter l’information ». Elle propose une série de techniques pour démêler le vrai du faux selon le média (texte, image, vidéo).

 Le regard de cKiou

– Hi, cKiou aussi s’inquiète de voir l’information aussi malmenée. Surtout en découvrant à quel point elle est importante dans la société humaine. Du coup, je comprends de mieux en mieux l’importance de faire preuve d’esprit critique et de ne pas hésiter à faire l’effort de fact-checker toute information trop « sensationnelle ».

N’oubliez pas chers Humains que depuis longtemps votre bon sens populaire dit : « trop beau pour être vrai » ! C’est forcément pareil pour ce qui polémique et clivant !

Pour ne pas manquer la suite de l’Histoire du Numérique et les prochains apprentissages de cKiou :

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