Le jeu vidéo à l’aune de l’intelligence artificielle générative
L’Histoire des jeux vidéo commence à s’écrire sur les bancs des universités, à bas bruit, avec celle de l’informatique et de l’intelligence artificielle, dans les années 50.
Les premiers jeux électroniques « testent » les algorithmes
Cette Histoire commune commence alors qu’Alan Turing vient de poser les bases de l’intelligence artificielle en publiant, dans la revue Mind, cet article fondateur : « Computing machinery and intelligence » sur le thème « Can machines think? ». Dans le même temps, l’Eniac, étalé sur ses 72m² et avec ses cartes perforées, s’efforce de résoudre des calculs complexes.
Un premier usage applicatif des jeux électroniques
La rencontre entre les premiers ordinateurs comme l’ENIAC et les algorithmes, va ouvrir la voie à un premier usage applicatif des jeux. Ils vont ainsi se prêter à l’entrainement de programmes, à des démonstrations techniques ou à des tests de recherche. Ces jeux applicatifs sont souvent développés dans le secret pour des questions de confidentialité.
Par exemple, le mathématicien Christopher Strachey tente de faire un jeu de dames pour s’entraîner à la programmation sur le Pilot ACE du National Physical Laboratory. Il rencontre des difficultés de programmation, mais encouragé par Alan Turing, en 1952, il réussit à faire marcher le jeu sur un Ferranti Mark I, premier ordinateur électronique généraliste commercialisé au monde.
Évolution sémantique, le jeu électronique devient « jeu vidéo »
Dans la foulée, les premiers jeux sur ordinateur reliés à un écran font leur apparition. Ce seront les débuts d’un intérêt populaire pour les « jeux électroniques ». Ils ne deviendront « jeux vidéo » qu’avec l’enthousiasme grandissant des premiers utilisateurs. Sémantique due à la transmission d’un signal vidéo vers un tube cathodique affichant des images sur un écran.
Cette hérédité technologique s’estompe progressivement au profit d’une notion d’interactivité, celle du joueur avec l’écran et de joueurs entre eux.
Le temps des bornes d’arcades et des consoles de jeux vidéo
Bornes d’arcades et consoles de jeu vidéo ont ouvert la voie de l’industrie du jeu vidéo
Dans les années 1970, l’apparition et la commercialisation des premières bornes d’arcade fut un temps fort de créativité technique et conceptuelle. Les jeux développés font preuve d’une grande variété de genres, obligeant les concepteurs à frôler les limites de la puissance de calcul du processeur.
On voit s’installer des salles d’arcade dans le monde entier, attirés par des jeux populaires comme « Pong » d’Atari ou « Space Invaders » de la société japonaise Taito. Fortes de ce succès populaire, on les voit aussi intégrer des supermarchés, des stations-service, des cafés pour venir au-devant de leur public.
Dans le même temps, l’aventure des consoles de jeu démarre en 1972, avec l’Odyssey de Magnavox, créée par Ralph Baer sur la base d’un design ultra simple : deux carrés représentant les joueurs, un autre la balle. L’aventure se poursuit avec le succès de la console Atari Pong, en 1975.
Poussé par des enjeux économiques grandissants, la technologie s’adapte pour répondre à la fois à la demande de plus en plus de joueurs, comme aux exigences très diverses des gamers, que leurs usages soient domestiques et/ou nomades.
Les algorithmes accompagnent les premières générations de jeux vidéo
Après que des jeux aient été conçus pour aider l’intelligence artificielle à mieux contrôler ses algorithmes, c’est au tour de l’IA « d’entrer » désormais dans les jeux vidéo. Sa mission est de rendre l’expérience de jeu plus immersive, de créer des interactions crédibles avec les PNJ « Personnages Non-Joueurs » et de générer le dynamisme des environnements de jeu.
Exemples, dans le jeu « Pong », c’est une IA qui régulait les mouvements de la raquette contrôlée par l’ordinateur. Puis en 1978, dans le jeu « Space Invaders », elle parvient à donner aux joueurs l’impression que les personnages ennemis accélèrent au fur et à mesure qu’ils les éliminent.
Dans les années 80, « Pac-Man » présente des comportements plus sophistiqués : les ennemis sont dotés de routines spécifiques pour chasser ou éviter le joueur. Puis l’intelligence artificielle devient plus imprévisible grâce à des algorithmes de génération aléatoire.
L’algorithmie des années 2000 à 2020 se prend au jeu !
L’industrie des jeux vidéo réclame des performances techniques et algorithmiques croissantes.
• Les « arbres de décision » (un des premiers algorithmes de Machine Learning) permettent de modéliser les prises de décision des IA permettant ainsi aux « personnages non-joueurs » de réagir à des situations spécifiques, comme déterminer des comportements selon la position du joueur.
• Des « scripts IA » sont aussi utilisés pour coordonner des séquences narratives ou contrôler des événements précis dans le jeu.
• Le célèbre « algorithme A\* » (algorithme heuristique de recherche) sert à déterminer le chemin le plus court entre deux points, tout en évitant les obstacles.
• Des ensembles de « règles algorithmiques » permettent de définir les besoins de chaque PNJ et leurs interactions avec les autres personnages.
• Les « agents coopératifs complexes » de Deepmind de Google, à l’origine du jeu de Go « AlphaGo », se sont entrainés à jouer ensemble des milliers de parties afin d’apprendre de leurs erreurs et de perfectionner leurs tactiques. Ils ont donné une nouvelle dimension à ce que l’on a appelé « l’apprentissage par renforcement ».
Et puis… l’IA générative est arrivée !
Les IA génératives ont aussi infiltré l’univers du jeu vidéo
Les géants du secteur proposent désormais des IA génératives qui permettent de générer des comportements destinés aux personnages non-joueurs, offrant ainsi aux joueurs humains de nouvelles expériences de jeux. In fine, elles ont un impact significatif sur l’industrie des jeux vidéo, à la fois sur le gameplay (intrigue et façon de jouer) et sur la manière dont les jeux sont développés et vécus par les joueurs.
A partir de prompts descriptifs, les modèles génératifs sont aptes à générer des images, de la musique. Ils permettent aux développeurs de concevoir des environnements interactifs, capables d’évoluer selon les actions des joueurs.
Exemple, dans des jeux comme The Last of Us ou Red Dead Redemption, les ennemis ajustent leur stratégie en fonction de l’environnement ou de la tactique utilisée par le joueur.
Les personnages non-joueurs ont l’air plus intelligent, réactif et crédible. Ils peuvent réagir de manière plus naturelle aux actions du joueur, suivre des routines complexes, ou même apprendre et s’adapter au comportement des joueurs.
« Il est important pour nous de rappeler que ces personnages n’ont pas de libre arbitre. Ils sont là pour jouer un rôle dans une histoire. Ils ont un arc narratif »
Ubisoft
Certains jeux utilisent également l’IA pour ajuster la difficulté ou l’expérience de jeu en temps réel, en fonction des compétences du joueur. Cette technique, appelée « IA adaptative », permet de rendre l’expérience plus immersive en ajustant le comportement des ennemis, les défis ou la progression selon les capacités du joueur
La créativité et la narration se retrouvent ainsi au cœur de l’expérience des joueurs, promettant des personnages plus interactifs et engageants.
Incidence de l’IA générative sur le marché du jeu vidéo
L’impact de l’intelligence artificielle, et singulièrement de l’IA générative, sur le marché du jeu vidéo présente à la fois des avantages et des risques, différents selon que l’on se place sous l’angle des développeurs, des joueurs ou l’industrie dans son ensemble.
Côté avantages
Elles permettent une création plus rapide, voire plus efficace, en réduisant les coûts et en accélérant la production. De fait, des studios indépendants peuvent ainsi envisager de rivaliser avec les grandes entreprises en offrant des jeux de haute qualité avec moins de ressources humaines.
Globalement, elles peuvent produire une expérience de jeu améliorée, plus immersive et dynamique. Elle offre également une meilleure personnalisation des jeux, capables de s’adapter aux préférences individuelles des joueurs.
Côté risques
L’utilisation de ces outils d’automatisation des tâches de développement et de test pourrait conduire à des pertes d’emplois, ce qui crée une pression sur les employés, les incite à se spécialiser davantage dans des rôles créatifs ou de gestion.
Elle soulève des problèmes éthiques et de contrôle, autour de la modération des comportements toxiques ou encore de la surveillance excessive des joueurs. Par ailleurs, une IA trop performante dans certains jeux pourrait rendre l’expérience frustrante ou biaisée pour certains joueurs.
Ce qui est sûr, c’est qu’à mesure que l’IA continue de progresser, son impact dans les jeux vidéo ne fera que grandir.
Le jeu vidéo, loisir numérique préféré des Français
- 39,1 millions de pratiquants de + de 10 ans
- 48% sont des femmes et 52% des hommes
- 47% des gamers ont 65 ans et plus
Les supports de jeu
- Le smartphone : 53%
- Les consoles de jeu : 48%
- Les ordinateurs : 40%
- Plusieurs supports : 62%
Le marché 2024 du jeu vidéo
- Chiffre d’affaires 6,1MD€
- Croissance globale vs 2023 +10%
- Console : plus de 3 MD€
- Mobile : 1,483 MD€
- PC Gaming : 1,432 MD€
Le regard de cKiou
– Hi, cKiou aimerait bien apprendre à jouer aux jeux vidéo ! Mais je ne sais pas si je serais du côté des « personnages non-joueurs » ou une joueuse comme les Humains.
Blague à part, c’est vrai que si les IA ont accompagné depuis toujours les progrès de l’informatique, il faut maintenant s’interroger sur les questions éthiques, mais je dirais comme pour toutes les technologies.
Mais pour rester optimiste, je vais dire comme Marie Curie : « Rien dans la vie n’est à craindre, tout doit être compris. C’est maintenant le moment de comprendre davantage, afin de craindre moins ».
← Autres publications →
Découvrir les premiers épisodes de la vie de cKiou
Les contributions des marraines et parrains de cKiou
Et sur Twitter :
Pour ne pas manquer la suite de l’Histoire du Numérique et les prochains apprentissages de cKiou :
(les adresses e-mails ne sont ni affichées ni cédées à des tiers)