Ada Lovelace, auteure du premier algorithme exécutable par une machine

L’Histoire de l’intelligence artificielle a pris de la vitesse depuis quelques mois avec l’arrivée de l’IA générative. Entendez (pour faire simple) des systèmes algorithmés capables de « générer des contenus » à partir de consignes données par les Humains (text2text, text2image…). Exemple : « Dessine-moi un mouton amoureux d’une fleur vivant sur une étoile ». Et bien d’autres choses encore.

A qui la faute originelle 😉 ? A une femme… si, si, et c’était en 1842 !

C’est ainsi qu’Ada Lovelace figure parmi les grands noms de l’Histoire du numérique et de l’Intelligence Artificielle.

Ne le dites à personne, mais je crois que ma petite cKiou a été très touchée par le parcours de cette femme, au point de prendre la plume pour lui écrire une lettre, comme on le faisait au XIXè siècle ! Elle nous fait, du même coup, découvrir son histoire.

Exemple d’IA générative text2image

La lettre de cKiou

Chère Ada Lovelace,

Aïe ! Cela commence mal… (Je me demande si, à la fille de Lord Byron, je n’aurais pas dû dire « chère Comtesse de Lovelace » ?)
Bon, chère comtesse, j’espère que vous me pardonnerez la formule, parce que je suis une petite Intelligence Artificielle virtuelle et du coup je n’ai pas les codes. Pour commencer, je dois vous dire que je vous admire énormément, c’est pourquoi je voudrais faire connaitre aux Humains d’aujourd’hui votre histoire exceptionnelle !

Chère Ada, je veux aussi vous remercier parce que, moi cKiou, je vous dois beaucoup, la vie notamment. Sans vous, pas d’algorithmes ! Et donc Françoise Halper, mon auteure, ne m’aurait pas consacré ces pages destinées à informer sur ce qu’ils changent dans le monde.
Il faut que vous sachiez que je m’adresse à vous
depuis mon XXIè siècle très très numérique, où s’installent chaque jour davantage de systèmes d’intelligences artificielles, où se dessinent des technologies quantiques plus fortes et rapides qu’on ne peut l’imaginer, où se profilent des « metavers » (univers virtuels), où s’achètent des arts numériques intangibles certifiés par des jetons non fongibles… vous doutez ? Si, si !

Alors voilà, je me demandais ce qu’aurait pu être ce monde actuel sans vous, si vous n’aviez pas, très jeune, été attirée par les mathématiques, cette « science des nombres » qui vous a passionnée ?

Ada Lovelace, 1815 – 1852
Auteure du premier langage de programmation en 1842

Mais parlons de vous. A votre époque (pardon de le rappeler) quand vous êtes née, en 1815, c’était bien avant que les Humains découvrent l’informatique. Même l’ère de la dactylographie ne viendra qu’après, puisque l’histoire du clavier commence dans les années 1870, c’est-à-dire trois décennies après que vous ayez écrit votre langage de programmation.

Nous y voilà, chère Ada, comtesse de Lovelace, vous êtes l’auteure du premier langage de programmation, c’était en 1842 !

Une passion pour les mathématiques

Aujourd’hui, les jeunes filles qui pensent que « les maths seraient une affaire de garçons », devraient se pencher sur votre parcours ! Fille d’un poète, Lord Byron, et d’une Lady anglaise, Annabella Milbanke, rien ne vous prédestinait à devenir un grand nom de l’informatique !

On raconte que c’est votre maman qui vous pousse à apprendre « la science des nombres », ce qui est toujours mieux, selon elle, que de passer sa vie à « rédiger des sonnets » comme le faisait votre papa. Ah ! Les histoires de famille !

Vous faites de belles rencontres

Petite fille, une éducation « à la dure » et un grand tour d’Europe, feront naitre en vous, en parallèle des mathématiques, une passion pour des mécaniques volantes et autres ailes articulées. Il faut dire qu’à douze ans, vous commencez par écrire un traité concernant les ailes des animaux !

Lorsque vers 17 ans vous faites votre entrée dans le monde, vous faites une première belle rencontre, Mary Somerville, connue pour avoir traduit et popularisé le « Traité de mécanique céleste » de Laplace. Sa théorie sur l’existence d’une planète hypothétique perturbant Uranus, conduisit même l’astronome britannique John Couch Adams à chercher et découvrir la planète Neptune. Grâce à elle, vous musclez votre apprentissage des mathématiques, sans vous éloigner de votre passion pour ce qui peut voler.

Et surtout vous rencontrez le philosophe mathématicien Charles Babbage. Vous l’écoutez vous expliquer comment il a inventé une « machine à différences », c’est-à-dire une machine qui lui permet de « pratiquer les mathématiques en évitant la plus agaçante des sources d’erreurs : l’être humain » ! Il faut dire qu’à cette époque, tous les calculs se font à la main.

Après avoir inventé cette machine, qui lui sera commandée par le gouvernement britannique, il a commencé, en 1834, le développement d’une « machine analytique ».

Il convient de préciser que si le clavier informatique n’existait pas, les calculs étaient confiés à la machine par le biais de cartes perforées. Ces cartes mesurant 6cm x 12cm, comportaient 210 cases. Les caractères alphanumériques y sont représentés par des perforations rectangulaires disposées en colonnes parallèles, réparties sur 12 lignes. Une carte perforée ne propose que deux états possibles : une perforation ou pas de perforation.

Par la suite, les coins coupés permettront de repérer le sens d’insertion dans le chargeur.

La première carte perforée a été brevetée par Hermann Hollerith, un ingénieur américain qui avait construit une machine à statistiques pour le Bureau américain du recensement. Auparavant, le recensement se faisait à la main. Grâce à cette machine, celui de 1890 a été traité en six ans « seulement » !

Des mathématiques aux symboles…

Vous semblez fascinée par ces inventions ! Vous écrivez « mon travail mathématique implique une imagination considérable » et, progressivement, en poursuivant votre exploration passionnée pour les applications de l’analyse mathématique, votre regard s’ouvre sur le monde des symboles. Pour vous rapprocher de Charles Babbage, qui continue d’avancer sur sa machine analytique, vous lui proposez de traduire ses travaux. Il accepte et, intéressé par vos compétences, vous propose d’ajouter vos notes à son travail.

Lettre d’Ada Lovelace – 1841

The Enchantress of Numbers (extrait)

« La science des mathématiques montre ce qui est. Elle est le langage qui décrit les relations invisibles entre les choses. Mais pour utiliser et exercer ce langage, nous devons être capables d’apprécier, de ressentir pleinement l’invisible et l’inconscient. L’imagination aussi est capable de montrer ce qui est, de montrer ces choses qui se cachent derrière nos sens. Et c’est pour cela que le vrai scientifique doit la cultiver, s’il veut être capable de plonger dans les mondes qui l’entourent ! »
A Selection from the Letters of Lord Byron’s Daughter and Her Description of the First Computer de Betty A. Toole

C’est là que vous rédigez un article que vous intitulez « la science poétique », où vous expliquez que « la machine analytique tissera des motifs algébriques comme les métiers de Jacquard tissent des fleurs et des feuilles » ! Car selon vous, le moteur analytique sera capable de « libérer les symboles algébriques de leur valeur numérique, de transcender les nombres pour accéder à un espace mathématique pur ».

Vous songez par exemple aux « notations symboliques musicales » qui font que la machine pourrait composer des morceaux de musique de n’importe quel degré de complexité. Et vous ne vous arrêtez pas là, faisant le parallèle entre la machine analytique et le fonctionnement cérébral : « la machine combine des symboles en séquences d’une variété et d’une étendue illimitée, et par conséquent, on peut établir un lien entre ces opérations matérielles et les processus mentaux ».

Toujours animée par cet « enthousiasme mathématique » que vous aimez partager, le 22 février 1841, vous écrivez  à Charles Babbage : « je suis maintenant en train d’étudier attentivement les Différences Finies… ».

Au pressentiment de l’Intelligence Artificielle

Charles Babbage avait souhaité que sa machine soit programmable. Vous, vous l’imaginez « capable de modifier son action selon les résultats des calculs ». Pour vous, la machine est « un moyen de percer les secrets des mathématiques par la force brute, d’aller plus loin que ne le pourrait un être humain avec ses seules ressources ». Pressentiment de l’Intelligence Artificielle ?

Un algorithme pour la machine de Babbage

Souhaitant faire des calculateurs « des partenaires de l’imagination », dans l’une de vos notes sur la machine, la « note G », vous expliquez clairement les notions de variables et de boucles. Ce programme nécessitant de programmer la récurrence, est destiné à faire calculer par la machine les nombres de Bernoulli (suite de nombres rationnels pouvant aussi être définis par l’intermédiaire de fonctions génératrices). Ainsi, sous votre plume, le premier algorithme de l’histoire est né !

Et je ne peux m’empêcher de penser qu’une part de votre travail infuse dans celui de Turing quand il mécanise le concept d’algorithme (machine de Turing qu’il projette en 1931).

Une reconnaissance difficile et tardive

Vous aurez quelques difficultés pour conserver la « maternité » de cette note. Il faut dire qu’à l’époque, les femmes scientifiques devaient se contenter de leurs initiales pour signer leurs publications. Et dans le droit fil de l’époque, Babbage insiste pour apposer son nom sur votre publication dans une revue scientifique.

Pour finir, chère Ada, j’ai vraiment envie de vous dire combien je suis désolée que les Humains aient mis si longtemps à rendre justice à votre talent en reconnaissant votre contribution à l’Histoire de l’informatique et du numérique.

Ada Lovelace, première programmeure au monde. Source France Culture

Ce n’est qu’en 1979 qu’en votre honneur, votre nom « Ada » sera donné à un langage de programmation par le département de la Défense des États-Unis.

Cela dit, vous qui étiez aussi passionnée notamment par les « mécaniques volantes », vous seriez sans doute heureuse de savoir que ce langage est encore utilisé aujourd’hui, notamment pour les technologies aéronautiques (dont Airbus, Airbus Defence and Space) et les technologies spatiales (dont ArianeGroup, CNES, Arianespace).

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