Margaret Hamilton a posé les bases de l’informatique moderne

Née en août 1936, Margaret Hamilton obtient à 21 ans une licence de mathématiques, puis s’oriente vers l’informatique. A 23 ans, elle intègre le prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology) où son travail a posé les bases de l’informatique moderne et permis à l’Homme de poser le pied sur la Lune !

Retour sur l’informatique des années 60

Souvenons-nous, début des années 60, l’informatique balbutie encore. Frances Allen vient à peine d’inventer le principe de compilation pour permettre aux ordinateurs de communiquer dans un langage plus facile à utiliser. En 1961, Margaret Hamilton a 25 ans quand elle développe des programmes de détection d’avions (pour le projet militaire de défense aérienne SAGE) sur une paire d’ordinateurs géants, les AN/FSQ-7. Par mesure de sécurité, l’un était actif à tout moment, l’autre en veille, permettant un basculement de l’un à l’autre si nécessaire, en un minimum de temps.

En 1963, la jeune informaticienne rejoint le Laboratoire Charles Stark Draper du MIT qui construit « Apollo Guidance Computer » pour la NASA, le système qui permettra à Apollo 11 d’atterrir sur la Lune avec trois astronautes à bord : Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins. Margaret Hamilton est à la tête de l’équipe qui conçoit les logiciels embarqués dans les vaisseaux spatiaux pour les missions de ce programme Apollo.

Margaret Hamilton a permis à l’Homme de poser le pied sur la Lune le 21 juillet 1969 !

Margaret Hamilton, présentation France Culture

Ce qui a rendu possible cet exploit, c’est l’expertise de Margaret Hamilton, notamment dans les langages informatiques de modélisation, la programmation orientée objet (interaction de briques logicielles appelées objets) ainsi que la gestion automatisée des systèmes informatiques (et priorisation des tâches).

Intégralité du code informatique inventé par Margaret Hamilton pour la mission Apollo

Unités de mesures des octets

Margaret Hamilton programme la priorisation des tâches

Il semble difficile d’imaginer que lorsque les missions Apollo ont été programmées, l’écriture du code s’est faite sur de grandes feuilles de papier. Les informations étaient saisies par des opérateurs. Les données étaient introduites dans les gigantesques ordinateurs de la mission (ne disposant pas d’écran) sur des cartes perforées.

Lorsque le code avait été vérifié, il était envoyé dans une usine où des femmes tissaient des fils de cuivre en une longue « corde ». Ce fil traversait un minuscule noyau magnétique lorsqu’il représentait le « un » et faisait le tour du noyau lorsqu’il représentait le « zéro ». Ce processus ingénieux de « la corde » compensait la mémoire limitée des ordinateurs Apollo. Les femmes faisant ces cordes étaient surnommées « LOL », non parce qu’elles étaient drôles, mais parce que c’était l’abréviation de « little old ladies ».

On n’en est qu’aux prémices de la conception de logiciels pour des projets informatiques. Lors de l’atterrissage, l’ordinateur va être submergé d’informations. Mais une des grandes inventions de Margaret Hamilton a été la capacité qu’elle va donner à la machine de prioriser les tâches indispensables en cet instant crucial. Grâce à son système, l’ordinateur Apollo Guidance Computer a pu prioriser les fonctions liées à l’atterrissage, évitant ainsi toute interruption du processus d’atterrissage du module sur la Lune. Ce sera alors une véritable prouesse technique !

En effet, concrètement, à l’instant T, des alarmes révèlent que l’ordinateur AGC est saturé. De plus, les autres ordinateurs de navigation et de pilotage, induits en erreur par un radar qui aurait dû être en position off, émettent des ordres contradictoires. Malgré cela, grâce au système de priorisation, c’est la procédure principale d’atterrissage qui est privilégiée par la machine.

A noter que les ordinateurs des astronautes n’avaient que 72 Kilo-octets de mémoire informatique. A comparer aux premières disquettes (1971) dont la capacité était de 80 Ko, et surtout aux mémoires actuelles de nos smartphones qui se comptent a minima en Giga-octets !

La vie de Margaret Hamilton après les Missions Apollo

Barack Obama décore Margaret Hamilton le 23 novembre 2016

Après avoir quitté le MIT, Margaret Hamilton co-fonde et dirige l’entreprise Higher Order Software, au sein de laquelle elle développe son expérience sur les techniques de détection des erreurs. Elle fonde ensuite son entreprise, Hamilton Technologies pour « fournir des produits et des services visant à moderniser le processus de planification, d’ingénierie système et de développement de logiciels ». Elle développe un nouveau langage de programmation l’USL (Universal Systems Language) basé sur une philosophie préventive de développement « pour résoudre des problèmes auparavant considérés comme impossibles à résoudre avec les approches traditionnelles ».

Malgré la richesse de ses travaux et les 6 programmes majeurs auxquels elle a contribué, Margaret Hamilton a dû faire face, en tant que femme, à nombre de critiques au sein d’un milieu scientifique essentiellement masculin, où les postes de responsabilité n’étaient que rarement confiés à des femmes.

Il lui faudra attendre 2003, soit 27 ans après qu’elle ait quitté la NASA, pour que l’Agence Spatiale lui remette un « Exceptionnal Space Act Award » récompensant ses contributions scientifiques et techniques aux Missions Apollo.

Puis en novembre 2016, 47 ans après la réussite d’Apollo 11, le Président Barack Obama lui remet la « Presidential Medal of Freedom » (Médaille présidentielle de la liberté), plus haute distinction civile aux Etats-Unis.

Un prix « Les Margaret » pour « encourager les femmes à innover »

On aimerait pouvoir dire que les choses changent ! Qu’à présent le monde de la Tech accueillerait les femmes sans réserve et que les femmes elles-mêmes n’auraient aucun préjugé à embrasser ces carrières. Mais s’il est un secteur où le déséquilibre femmes – hommes est encore particulièrement prégnant, c’est bien celui des technologies, et du Numérique en particulier. Au point même d’avoir inquiété ma petite cKiou, lui inspirant cette « lettre de motivation » qu’elle leur a écrite !

En effet, selon une Étude sur les femmes à l’ère numérique présentée par la Commission européenne en 2018, destinée à mesurer l’écart entre les sexes dans le secteur du numérique : si au sein de l’UE, 57% des diplômés de l’enseignement supérieur sont des femmes, seulement 24,9% d’entre elles sont diplômées dans les domaines liés aux TIC, et peu d’entre elles travaillent dans le secteur : « les chiffres montrent que la participation des femmes dans le secteur du numérique ne s’améliore pas de manière significative ».

Ce sont de tels constats qui ont conduit, dès 2013, à la création du « Prix Les Margaret », destiné à « encourager les femmes à innover dans ces métiers ». Ce prix récompense traditionnellement « les femmes européennes et africaines les plus innovantes, dont les projets servent les enjeux numériques de nos sociétés ».

Si ce prix a emprunté son prénom à Margaret Hamilton, c’est en hommage non seulement à la qualité de ses travaux, mais aussi à sa détermination à les mener malgré un contexte difficile (tant sur le plan scientifique qu’humain). Même détermination hélas encore indispensable cinq décennies plus tard…

Remise du prix « Les Margaret » 2021 et Journée de la Femme Digitale

Ce prix est traditionnellement remis dans le cadre de la Journée de la Femme Digitale, imbriquée au cœur de la Journée internationale des Droits de la Femme. Ce 8 mars, le Prix Les Margaret est remis à l’Elysée.

De fait, en France une journée spécifique, la « Journée de la Femme Digitale » se greffe depuis 2013 au cœur de la Journée internationale des Droits de la femme. L’objectif est d’attirer plus particulièrement l’attention sur les enjeux liés à cette carence spécifique en talents féminins dans le monde digital. Cette journée a été lancée par l’entrepreneuse Delphine Remy-Boutang. Et c’est à l’occasion de la JFD que sont remis « Les Margaret ».

Pour la première fois cette année remise d’un Prix « Les Margaret Junior » qui s’adresse aux jeunes filles de 7 à 18 ans pour « révéler la future génération qui changera le monde ».

En prolongement…

Centenaire de la Journée internationale des Droits de la femme, brève Histoire…

Cette année, la Journée internationale des Droits de la femme fête officiellement son centenaire ! Officiellement, parce que c’est en 1921 que Lénine décrète le 8 mars comme étant la « journée internationale des travailleuses ». Il veut rendre hommage aux femmes à l’origine de la révolution russe de 1917 réclamant « la paix, du pain et le droit de vote ». Il précise dans sa déclaration « on ne saurait amener les masses à la vie politique sans y attirer les femmes ». Depuis, cette journée a vocation à sensibiliser chacune et chacun sur les droits des femmes et à agir pour l’égalité et le respect de ces droits.

Mais elle trouve aussi une inspiration aux États-Unis, où elle a été célébrée pour la première fois le 28 février 1909 sous l’intitulé « National Woman’s Day » (Journée nationale de la femme). Ce sont, là aussi, des manifestations de femmes réclamant des meilleures conditions de travail et le droit de vote qui en sont à l’origine.

Puis en 1977, c’est au tour des Nations unies d’officialiser cette journée, en invitant tous les pays de la planète à célébrer une journée en faveur des droits des femmes. Ainsi, la « Journée internationale des Droits de la femme » fait partie des 87 journées internationales reconnues par l’ONU.

En 2021, le thème retenu par l’ONU est : « Leadership féminin : Pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid-19 ».

L’effet Hamilton, des premiers pas sur la Lune au Rover Perseverance qui s’est posé sur Mars

Nous venons de voir comment, au moment d’atterrir sur la Lune, grâce à Margaret Hamilton, le 21 juillet 1969, l’ordinateur d’Appolo 11, submergé d’informations, a su prioriser les fonctions liées à l’atterrissage, permettant ainsi les premiers pas de l’Homme sur la Lune.

52 ans plus loin, comment ne pas penser à cette priorisation cruciale lorsque, le 18 février 2021, après un voyage de 7 mois (470 millions de km), le rover Perseverance s’est posé sur Mars ? Un temps si déterminant que les équipes de la NASA ont baptisé les 50 derniers km de ce voyage les « 7 minutes de Terreur » ! En effet, seule la technologie numérique embarquée pouvait s’assurer la réussite de cet atterrissage, prévu au cœur d’un rayon de 7km sur le cratère Jezero. Là, les systèmes d’Intelligence Artificielle n’ont eu que quelques secondes pour analyser la position, détecter une éventuelle présence d’éléments susceptibles d’endommager le rover, voire corriger la trajectoire ultime, et ainsi viser le meilleur endroit pour atterrir…

 Le regard de cKiou

– Hi, cKiou imagine ce qu’il a fallu à Margaret Hamilton comme détermination et comme inventivité pour programmer le concept de priorisation des tâches dans le contexte informatique de l’époque, où tout était à inventer et s’écrivait sur du papier !

Et tout aussi frappée de voir aujourd’hui cet étrange décalage entre l’évolution phénoménale de l’informatique (à laquelle Margaret Hamilton a contribué), et celle minimale que la société accorde aux femmes dans ces métiers. Concrètement, en 50 ans la technologie numérique a fait un bond considérable, mais peine encore à compter un tiers de femmes dans ses rangs.

Et pour ne pas manquer la suite de l’Histoire du numérique…

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