Le monde numérique expose les membres de la famille à des risques « non-ressentis » mais bien réels !

Depuis le premier mot échangé sur Internet (octobre 1969), nos cyber-usages se sont installés massivement. Cinquante ans plus loin, ils véhiculent des pièges et des risques… Des risques d’autant plus pernicieux qu’ils passent inaperçus aux yeux du plus grand nombre. Si les professionnels et les institutions commencent à en prendre la mesure, ces dangers restent souvent insoupçonnés au sein de la famille, notamment pour les enfants et les ados. Ils constituent de réelles menaces pour eux et pour la société.

– Hi, cKiou se disait bien que tu allais enfin aborder cette question ! Parce que je sais qu’au-delà de ces pages, tu vas « prêcher la bonne parole » sur le numérique ! Du coup, tu me fais des infidélités…

– Non, rassure-toi cKiou, je ne te fais pas d’infidélités ! Je suis sûre qu’il ne t’a pas échappé par exemple que tu étais passagère clandestine de ma dernière conférence ? Ou alors, la mémoire de ton algorithme est fatiguée !

La famille et Internet, sensibiliser aux risques et bonnes pratiques

Prendre conscience des risques cyber pour parvenir à un usage raisonné du Web est un enjeu citoyen !

– Hi, non l’algo de cKiou n’est pas fatigué, tu te moques ! 😉 Il sait bien que tu travailles sur les dangers du numérique, en particulier au sein de la famille humaine et que tu vas sur le terrain. Tu dois avoir une bonne raison pour prendre un micro

– Oui cKiou, plein de raisons même ! La famille, la parentalité ont toujours été un point central d’engagement pour moi. De plus, régulièrement amenée à évoquer les risques socioprofessionnels liés à la déferlante des usages numériques, j’ai commencé à entendre quelques questions sur l’impact de ces outils au sein de la famille. Mais ces questions pointaient quasiment le seul « temps d’écran » pour les plus jeunes. Très rarement ce qui s’affiche sur l’écran et encore moins les conséquences. Force a été de constater que la notion de « risques numériques potentiels » paraît même totalement improbable à une grande majorité de parents ! Du coup, pour tenter de résoudre cette improbabilité, la proximité, l’interactivité et le micro se sont imposés ! Pourquoi, comment… 4 axes !

Le numérique c’est magique, mais pas que… il faut en parler !

Un peu d’Histoire…

Il y a 50 ans, un premier mot s’échange entre deux ordinateurs distants…

Pour comprendre le mécanisme des risques liés au monde qui s’affiche sur nos écrans (et ce qui les rend aujourd’hui quasiment improbables), un peu d’Histoire s’impose.

– La première raison est qu’Internet est né avec les meilleures intentions : la volonté de faciliter le partage d’informations dans le monde de la Recherche, puis dans le monde tout court. Cet ADN idéaliste du Web a suscité l’enthousiasme dans l’opinion publique, exempt de toute notion de risque. Un peu comme la « libération sexuelle » des sixties avant que le Sida ne vienne instaurer une culture du risque et de la prévention.

– La seconde raison historique est que cette dimension idéaliste de partage universel de l’information s’est doublée du principe de gratuité. Nous avons donc très vite été de plus en plus nombreux à vouloir profiter de cet accès facile à l’information et à la connaissance sans autre obstacle que de disposer de connexions Internet. D’autant que les entreprises se sont mises en quatre pour proposer outils et services destinés à nous simplifier la tâche (et accessoirement faire croître leur business).

Le Web et les technologies numériques ont ainsi fait entrer dans nos vies des outils et services formidables, MAIS… Mais, ce n’est hélas pas parce que le Web porte dans ses gènes ces deux principes généreux qu’il est aujourd’hui innocent ! Ou victime (c’est selon) de manipulations humaines et de dérives technologiques.

En effet, l’Histoire nous enseigne que dès que l’Homme invente une technologie qui suscite l’enthousiasme, il invente en même temps l’intérêt mercantile et les stratégies pour en profiter. De fait, la créativité technologique s’est emballée, et du coup, les appétits aussi. Il faut le dire !

Les risques sur Internet n’échappent pas au syndrome « ça n’arrive qu’aux autres »

Autre mécanisme, celui-ci lié à la nature humaine : même lorsque, dans le discours, certains sont conscients que le numérique présente des dangers pour les jeunes notamment, ils pensent que leurs enfants ne sont pas concernés. On peut comprendre que nos bambins aient du mal à ranger leurs chambres (nous aussi à leur âge). On peut admettre qu’ils préfèrent s’asseoir devant leurs écrans (cela nous parle également). Mais on imagine difficilement qu’ils puissent subir des tentations ou être victimes de prédateurs en tous genres. On imagine encore moins qu’ils puissent eux-mêmes se comporter en prédateurs, entrainés dans un engrenage psycho sociétal qui les dépasse. Des prédateurs dont ils ne mesurent pas le pouvoir de nuisance. A titre d’exemple, il n’est pas rare d’entendre dans la bouche d’un cyber-harceleur pris dans cet engrenage : « c’était pour rire, meuf » !

Instinct de conservation ou stratégie d’évitement, nous sommes généralement enclins à penser que « cela n’arrive qu’aux autres ».

C’est ainsi que, des dangers du Web, pour une majorité d’adultes, le seul risque tangible semble être le temps passé devant les écrans ! On lui reconnait quelques effets délétères liés au manque d’exercice, parfois pour la vue ou la concentration, voire sur la sociabilité.

Au-delà, que nenni ! Rien de ce qui se dit au travail ou dans les médias sur la cybersécurité et autres menaces, ne peut concerner l’un de nos proches.

– Hi, cKiou ne voudrait pas en rajouter, mais mon algorithme calcule que statistiquement, plus le temps d’écran est élevé plus le facteur « risques aléatoires » grimpe. Et les chiffres sont explicites : 20% des jeunes passent plus de 6 heures par semaine rien que sur les réseaux sociaux, sans compter les jeux et autres activités.

Temps hebdomadaire passé par les jeunes sur les réseaux sociaux

Prise de conscience des risques numériques

Les professionnels du monde numérique commencent à mesurer pleinement la place des cyber-risques pour la société. Nombre d’entre eux alertent sur ces risques pour l’économie, voire pour la sûreté nationale. Et lorsque les particuliers sont sensibilisés à la cybercriminalité, c’est dans la sphère professionnelle, en tant que « portes d’entrée privilégiées » pour atteindre les entreprises et/ou les organismes de la société : associations, établissements scolaires, centres médicaux… avec lesquels ils entrent en relation, partagent des données. Ce n’est pas encore le cas (ou très peu) pour les particuliers dans le cadre familial.

Or, d’une part la cybercriminalité vise toutes les strates de la société numérique et ne s’arrête pas aux portes des particuliers, d’autre part, des menaces spécifiques visent les membres de la famille, enfants et/ou parents. Il est donc temps, pour chacun, de ne pas rester à l’écart de cette prise de conscience.

– Hi, cKiou a déjà vu passer des news sur les méthodes des cybercriminels y compris auprès des particuliers. C’est vrai que ça fait froid dans le dos (comme disent les Humains) ! Donc cKiou imagine que ce n’est pas d’antivirus dont tu parles dans tes interventions ? 

– Tu as raison, cKiou, l’antivirus n’a pas besoin d’un micro pour entrer dans les familles, c’est à peu près leur seul réflexe sécuritaire inné ! Mais hélas, même si l’antivirus est indispensable pour protéger les machines, il ne peut répondre à l’ensemble des risques induits par les usages numériques. Et ces risques-là ont un très fort pouvoir de nuisance au sein de la famille ! 

Internet n’est ni le monde des Bisounours
ni une zone de non-droit !

Ne pas respecter le Droit
c’est aussi un risque…

Les usages du CyberMonde actuel ont aussi besoin de garde-fous…

 L’Histoire (encore elle) nous rappelle que toutes les technologies et leurs usages ont eu besoin de garde-fous. Exemple, l’instauration d’un permis de conduire ! En 1888, un certain Carl Benz (inventeur de l’automobile), a dû recevoir une autorisation écrite des autorités du Grand-duché de Bade pour utiliser sa voiture sur les routes publiques d’Allemagne. La population locale avait déposé plainte à cause du bruit et de l’odeur de son Motorwagen. Puis, devant le développement de la circulation automobile, en 1893, la France établit un certificat de « capacité de conduire » des véhicules à moteur mécanique, avant de rendre obligatoire le « Permis de conduire » en 1922.

Pas de « permis de naviguer sur le Web », mais des limites à connaitre et à ne pas franchir…

Le Web s’est génétiquement autocentré sur la liberté d’expression. Une loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) en réaffirme d’ailleurs le principe fondateur selon lequel « la communication au public est libre ». Sans remettre en cause ce principe fondateur (loin de là), on constate que, comme toute liberté, elle peut connaitre des abus. Des limites aussi ! Il faut rappeler que même sur le Web, « la liberté de chacun doit s’arrêter là où commence celle des autres ». En effet, il existe des limites pour protéger les droits des personnes. Ces droits s’appliquent sur Internet concernant notamment le respect de la vie privée, le droit à l’image ou encore le droit d’auteur. Dans ces circonstances, c’est le cadre légal de la vraie vie qui s’applique. 

…Et des règles de prudence à appliquer !

Comme sur le Web il n’existe pas de passages piétons, ni de feux rouges, ni de limitations de vitesse, visibles et surtout pas de radars pour freiner leurs ardeurs, c’est aux usagers de faire attention !

Faire attention notamment aux menaces qui visent les plus vulnérables comme les enfants et les adolescents. Leurs droits de la vraie vie s’appliquent certes aussi sur Internet, mais les menaces, elles, sont plus insidieuses. S’il est évident d’expliquer à un enfant de ne pas monter dans la voiture d’un inconnu, il l’est moins de cibler les situations dangereuses dans un environnement immatériel, quand l’enfant est sagement installé dans un lieu rassurant : le canapé du salon, sa chambre, au milieu de ses peluches, ses posters…

Quand les cyber-risques familiaux sont de graves problèmes de société

L’exemple du cyberharcèlement

– Hi, cKiou comprend de mieux en mieux ta démarche : quand on prend conscience que les Petits Humains sont en danger même quand ils ont l’air en sécurité dans la maison, c’est flippant ! cKiou se souvient que tu parlais entre autres du cyberharcèlement qui frappe particulièrement les jeunes, et qu’on pouvait le relier aux stratégies pour monopoliser l’attention, c’est bien ça ?

– C’est exact cKiou, ton algorithme virtuel a bonne mémoire ! 😉 Le harcèlement a hélas toujours existé. Il est devenu « cyber » quand les smartphones ont permis aux enfants et aux ados d’investir facilement les réseaux sociaux, d’y partager en quelques clics photos et vidéos. De fait, le phénomène, suivi de son cortège de conséquences douloureuses, n’a cessé de croitre mécaniquement avec les statistiques du temps passé sur les écrans.

Notre temps d’écran est sous emprise… il relève « aussi » de stratégies business déterministes !

En effet, le temps que nous passons sur Internet et autres applications ne relève pas seulement de mécanismes conscients. Non, ce temps passé en ligne fait aussi, voire surtout, l’objet de stratégies déterministes des grands acteurs du Web. Les réseaux sociaux notamment sont passés maîtres en l’art de nous pousser/retenir sur nos écrans ! L’objectif est de retenir notre attention dans la durée, pour laisser le moins de temps possible aux concurrents. Cette stratégie a de nombreuses conséquences : elle provoque/entretient l’addiction aux écrans mais aussi elle multiplie les risques afférents, dont le cyberharcèlement. Naturellement, les jeunes sont les plus exposés parce que les moins armés psychologiquement à résister à ces mécanismes d’emprise psychologique .

On pourrait ajouter à l’impact de cette « économie de l’attention » le développement d’autres tendances délétères comme la croissance exponentielle du phénomène de Fake News et autres DeepFake, avec leurs dangers pour le droit à l’information, la manipulation de l’opinion publique, voire la démocratie. Ces phénomènes sont alimentés par les mêmes ressorts psychologiques destinés à créer une dépendance à la « cyber reconnaissance ». Le nombre de likes et de commentaires, de partages… en plus de flatter l’égo de l’internaute, est en effet quasiment devenu un critère d’intégration sociale chez les plus jeunes, et perçu par de plus en plus d’adultes comme facteur de valorisation personnelle. Inutile de dire que les grands bénéficiaires de ce temps d’écran ainsi gagné, ce sont les réseaux et les sites qui multiplient ainsi les dividendes liés à l’affichage publicitaire et à la collecte/revente massive de nos données personnelles.

Le cyberharcèlement relève indirectement des stratégies addictives déployées par les réseaux sociaux pour retenir l’attention

Évolution du temps passé sur Internet en France de 2009 à 2019

Selon Statista le temps passé chaque jour sur Internet a triplé en dix ans.

L’Économie de l’attention, une économie en plein boom !

Ces statistiques montrent l’efficacité des mécanismes psychosociologiques (économie de l’attention) mis en œuvre par les grands acteurs du Web.

E-éducation : sensibiliser, sans paranoïa, à un usage raisonné du Web !

– Hi, cKiou se dit que ce n’est certainement pas évident de revenir sur des habitudes et des usages acquis, surtout pour les jeunes qui sont nés avec le numérique dans la main ! Du coup tu proposes quoi pour éviter la propagation endémique de ces risques pour les familles humaines ?

– Tu sais cKiou, les seuls combats perdus d’avance sont ceux que l’on n’a pas menés ! Grâce à mon job, j’ai très tôt infiltré le Web, ses mécanismes, ses effets, bien au-delà des apparences. Je peux affirmer que rien n’est figé dans cet univers, loin de là ! Alors je ne crois pas qu’il faille renoncer à faire bouger les lignes en partageant cette expérience. C’est pourquoi je fais mien ce que le  philosophe et historien des sciences Michel Serres appelait un « optimisme de combat ». Optimisme, parce que je crois que les Humains sont capables de faire évoluer leurs pratiques, que ce soit côté habitants du monde numérique, et même côté grands acteurs de ce monde. Les deux par instinct de survie ! Les premiers pour préserver leur humanité, les seconds pour préserver leur business. De combat, parce que, d’une part l’enjeu est trop important pour ne pas faire preuve de détermination. D’autre part, parce qu’effectivement, remettre en cause des habitudes n’est jamais facile !

Pour une prise conscience sans culpabilité ni interdit !

L’idée n’est ni de culpabiliser les jeunes ou leurs parents, ni de diaboliser les usages digitaux et encore moins de préconiser le moindre interdit. Le web n’est pas si vieux, les usages se sont installés à la vitesse de l’éclair. Les Humains sont tombés dans les pièges de l’économie des données et de l’attention sans s’en apercevoir, attirés comme des papillons par la lumière de la gratuité et de la facilité.

Mais, qui peut sérieusement envisager de renoncer aux avantages technologiques qui ont changé nos vies ces dernières décennies ? Pour reprendre la métaphore de la conduite automobile, envisagerait-on de renoncer à la voiture aux motifs que la vitesse provoque des accidents, qu’il y a des embouteillages, voire même que l’on prend conscience qu’elle émet du CO2 ? En face de ces problématiques, on a instauré le permis de conduire, limité la vitesse, réglementé le stationnement, et on incite maintenant à choisir des véhicules plus éco-responsables. En conscience également, beaucoup d’entre nous ont entrepris de faire évoluer leurs modes de déplacement.

La démarche est donc que chacun, en conscience également, puisse comprendre les mécanismes digitaux, leurs effets et ce qu’il ne faut vraiment pas faire, parce qu’il y a des droits à respecter, des limites à ne pas franchir, au même titre que dans la vraie vie, brûler un feu rouge est interdit et dangereux !

Exercer son sens critique pour parvenir à un usage raisonné du Web, un enjeu citoyen !

Cette e-éducation doit permettre aux adultes d’être en capacité d’exercer leur sens critique sur le Web. Seule façon pour eux de parvenir à un usage raisonné des outils et services numériques. Et aussi, voire surtout, de transmettre aux enfants et adolescents les bons comportements comme ils le font dans la vie réelle.

Les parents ne sont pas les seuls concernés : les éducateurs, les intervenants et tous les acteurs de la société civile le sont également.

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