1971 – Histoire de l’e-mail et de la correspondance numérique

Histoire des usages de la messagerie électronique, de sa création à nos jours

Plus de la moitié de la population mondiale utilise l’e-mail,en français « courrier électronique ». En France, nous sommes près de 42,5 millions à nous connecter chaque mois à un webmail et ils utilisent quelques 68 millions de boîtes mails. Ce sont aussi 333 milliards d’e-mails (hors spam) qui s’envoient chaque jour dans le monde. Chaque Français utilise une moyenne 2,1 adresses mail et reçoit environ 39 mails par jour.

Tant de mails… Comment en sommes-nous arrivés là ?

 

L’histoire commence en 1971 : Ray Tomlinson pose les bases de la correspondance numérique en créant les programmes « SendMail » et « ReadMail » et en inventant l’arobase. Ces programmes étaient exploités au sein du réseau Arpanet1. Très appréciés par la communauté d’ingénieurs de ce réseau, ils sont ainsi rapidement des centaines à s’échanger des messages. En quelques mois, l’outil s’enrichit de fonctions permettant notamment de trier les messages par date et par objet. Puis, les améliorations se succèdent et l’on voit arriver les premiers logiciels capables d’associer les fonctions d’envoi et de lecture des messages.

333 milliards d’e-mails (hors spam) s’envoient chaque jour dans le monde

En 1973, les messages électroniques représentent déjà 75% du trafic du réseau Arpanet. Puis en 1975 le programmeur américain John Vittal développe « MSG », un programme qui permet de classer plus facilement les messages électroniques. Et surtout, il ajoute les fonctions « répondre » et « transférer » telles que nous les connaissons actuellement. Il est considéré comme le premier logiciel de messagerie moderne. C’est notamment cette commande « répondre » qui a déclenché l’essor de l’usage des e-mails. Jusqu’en Angleterre où même la reine Elizabeth II envoie, en 1976, un courrier électronique depuis le laboratoire de recherche scientifique du ministère de la Défense.

Selon Michel Kalika, President Business Science Institute, « dans le développement des technologies de l’information, il y eut parfois des effets inattendus ou paradoxaux. La facilité d’utilisation d’un outil va avoir une influence sur l’attitude ». Ainsi, l’usage du courrier électronique s’étend aux échanges interpersonnels bien au-delà de sa vocation initiale qui le destinait aux échanges scientifiques.

 

1978, l’arrivée du spam entérine le caractère irréversible de l’usage du mail

En 1978, un usage imprévu de l’e-mail ancre le caractère irréversible de la correspondance numérique. Ce sont les premiers pas du spam !

Premier Spam

En effet, le 11 mai 1978, Gary Thuerk, commercial chez DEC, décide d’adresser un message publicitaire à la quasi-totalité des personnes figurant dans l’annuaire du réseau Arpanet.

Les administrateurs du réseau eurent beau protester contre cet usage intempestif du courrier électronique, le « spam » était né et allait essaimer jusqu’à représenter, à lui seul, la plus grande partie de l’envoi de messages électroniques. Les techniques de spamming vont se transformer au fil du temps pour gagner en efficacité malgré les solutions déployées par les entreprises de services Internet pour les court-circuiter. On verra tour à tour leur nombre augmenter ou diminuer et leurs intentions évoluer. Le spam passera de l’intention marketing initiale à des intentions malveillantes : propagation de virus informatique et autres malwares.

Écouter Elwood Edwards, la 1ère voix de la messagerie internet en 1989

1989, l’e-mail acquiert une voix !

Avec la croissance du marché et de l’usage de la correspondance numérique, des entreprises de services s’installent. A l’instar d’AOL, société de services Internet créée le 24 mai 1985. Elle proposait notamment des services d’accès à l’internet, une messagerie électronique, et une messagerie instantanée. En 1989, elle sollicite Elwood Edwards, acteur de doublage américain, pour donner de la voix à sa messagerie. Il enregistre le fameux « You’ve got Mail » ! Fort de l’intérêt suscité par ce message vocal, l’acteur devient la voix officielle du service de messagerie. Il enregistre ainsi de nouveaux messages : « Bienvenue », « Vous avez un mail », « Vous avez des images », « Vous avez un message vocal » et « Transfert de fichiers terminé ».

1992, le mail se fait beau et pratique

Le marché des services en ligne se développe, générant une concurrence effrénée. Surtout depuis les débuts du World Wide Web, conçu par Tim Berners-Lee, au CERN, en 1991.
En 1992, la société Compuserve, un de ces fournisseurs de services, se démarque en proposant une interface de messagerie permettant de faciliter la mise en forme des e-mails, le WYSIWYG (What you see is what you get). Jusque-là, ce type d’interface utilisateur était cantonné à des outils de traitement de texte. Et pour la première fois la rédaction de mails s’enrichit de différentes polices de caractère, de couleurs et d’émoticônes.

 

1993, quand l’e-mail passe aussi du mauvais côté de la force

On le sait, la force du mal est également une des constituantes de la nature humaine. Et généralement, elle se donne les moyens de ses intentions. Quand le spam est arrivé dans nos boites mails, c’était à des fins publicitaires et marketing. Il va vite servir des intentions plus offensives : commerce illégal, manipulation d’information, propagation de virus et autres programmes malveillants, attaques par déni de service2 pour bloquer un serveur web, empêcher la distribution de courrier électronique ou autres services.

Pour démultiplier la propagation de mails malveillants, les attaquants vont recourir à des botnets, autrement dit des réseaux de robots informatiques connectés à Internet, sortes de machines zombies communiquant avec d’autres pour l’exécution de certaines tâches. Le premier botnet, W32/Pretty, aussi appelé PrettyPark, visait les environnements Windows 32 bits. Le recours à des botnets (Eggdrop en décembre 1993) renforce l’activité souhaitée en démultipliant les ressources. Si les premiers n’étaient pas considérés comme très dangereux, leur potentiel de nuisance prend de l’ampleur en 2002 avec plusieurs botnets malveillants comme Agobot et SDBot, puis SpyBot en 2003.

 

1996, le mail s’écrit aussi en ligne

Le 4 juillet 1996, jour de la fête nationale américaine, Jack Smith et Sabeer Bhatia lancent un service de courrier électronique gratuit sur le Web. Ce service sera baptisé Hotmail. Il permet d’accéder à une adresse de courrier électronique depuis n’importe quel ordinateur dans le monde. Ce service est un succès, avec plus 100.000 utilisateurs en quelques mois. A noter qu’Hotmail est le premier service de messagerie à afficher des publicités en bas de chaque message envoyé. La gratuité se finance !

Dans la course à la conquête du marché des messageries, en 1997, Microsoft sort Outlook Express, qu’il incorpore au système d’exploitation Windows avec Internet Explorer 4. Outlook Express peut aussi fonctionner sur Mac OS7. Cet outil de messagerie devient alors rapidement leader de son marché.

 

1998, le mail inspire le cinéma avec la sortie de « You’ve Got Mail »

Autre symbole matérialisant l’adoption d’une technologie par la société, c’est quand elle inspire le cinéma ! Une comédie romantique américaine You’ve Got Mail (titre faisant écho à la voix d’Internet), sort en 1998 : Kathleen et Joe ne se connaissent pas dans la « vraie vie ». Tous les deux sont libraires, ils ignorent qu’ils sont de farouches concurrents avec des visions diamétralement opposées de leur métier. Mais ils vivent une romance passionnée par mails interposés…

 

2001, un « mail-roman » s’écrit pendant 100 jours

Autre inspiration culturelle de l’usage du mail avec « Rien n’est sans dire ». C’est le titre de ce mail-roman collaboratif de 275 pages. Son écriture s’est faite à l’initiative de Jean-Pierre Balpe, officier des Arts et Lettres, écrivain et chercheur sur le thème de la relation entre littérature et informatique. Pendant 100 jours, du 11 avril au 19 juillet 2001, chaque lecteur s’étant inscrit par mail a reçu chaque jour une page de ce roman. Le titre a été choisi par les lecteurs et l’auteur a intégré leurs réponses et réactions dans chaque épisode.

 

2004, c’est au tour de Google de faire son Gmail !

Là encore, si l’on veut se convaincre de l’importance de la correspondance numérique, il suffit de voir l’intérêt que porte Google à cet usage ! En 2004, le moteur de recherche, déjà décliné en plus de cent langues et qui compte alors trois cent millions de requêtes par jour, décide le lancement de Gmail, service de messagerie gratuite d’une capacité de 1 Go. Pour en faciliter l’adoption, grâce à la technologie AJAX, l’interface de son Webmail est dotée des fonctions quasi identiques à celles d’un logiciel de messagerie traditionnelle comme Outlook.

Le mail reste un des services numériques les plus utilisés

Statistiquement, nous passons un peu plus de 2H30 / jour à vérifier nos mails personnels. Plus de 54% des ouvertures de mails se font désormais sur des terminaux mobiles. Le trio de tête des messageries utilisées : Gmail 27.8% ; Apple iPhone 27.6% et Outlook 9.1%.

Le marché mondial des e-mails était de 293 milliards en 2019 (hors spam) et de 1,4 milliard (hors spam) en France.

L’e-mail à des fins légitimes (publicités non spams + mails courriers) représente autour de 35% des messages effectivement envoyés. On estime qu’un email sur 100 a une intention malveillante. Ce sont désormais principalement des « ransomwares », autrement dit des messages destinés à rançonner les données des utilisateurs. Ces attaques se professionnalisent, elles sont de moins en moins massives et de plus en plus ciblées.

Quant au spam, il représente en moyenne 65% du trafic total des e-mails, dont la majeure partie est filtrée en amont par les outils anti-spam. Heureusement, ils demeurent donc quasiment invisibles aux yeux des utilisateurs, n’arrivant qu’en faible proportion jusqu’aux dossiers « Indésirables » de nos messageries. Mais ils représentent néanmoins un poids énergétique considérable qu’il conviendrait de pouvoir réduire pour la santé de la planète.

En termes de bilan carbone, le courrier électronique d’une entreprise de 100 personnes génère chaque année 13,6 tonnes d’équivalent CO2, soit l’équivalent de 14 allers-retours Paris et New York (source ADEME).

__________________

1 Arpanet : acronyme de « Advanced Research Projects Agency NETwork ». Premier réseau de réseaux présenté en 1972, reliant deux gros ordinateurs distants de 4,5m au sein de l’ARPA, Agence de recherche technologique du département de la Défense des États-Unis.
2 DDoS attack, pour Distributed Denial of Service attack

 Le regard de cKiou

– Hi, cKiou est impressionnée par cette histoire ! Elle a aussi constaté que des outils d’Intelligence Artificielle ont petit à petit infiltré la correspondance numérique. L’autocomplétion, par exemple, qui suggère les mots que l’on pourrait vouloir écrire. Et bien sûr l’intégration de systèmes (comme le fameux ChatGPT) capables d’écrire des textes entiers à partir d’éléments de langage, par exemple piochés dans les échanges précédents avec les interlocuteurs enregistrés…

Sur le plan environnemental, faut-il s’inquiéter quand on regarde les stats : 333,2 milliards d’e-mails envoyés et reçus chaque jour en 2022 et ils pourraient dépasser 376,4 milliards en 2025 ?

De nouveaux enjeux socioéconomiques seront-ils véhiculés par la messagerie électronique ? Sera-t-elle finalement remplacée par les assistants conversationnels ?

Selon Albert Camus, « l’Homme n’est pas entièrement coupable : il n’a pas commencé l’histoire ; ni tout à fait innocent puisqu’il la continue » 😉 !

Alors finalement quelle sera votre rime à cette histoire, vers quels nouveaux usages l’e-mail va-t-il aller ?

Et pour ne pas manquer la suite de l’Histoire du numérique…

INSCRIPTION

(les adresses e-mails ne sont ni affichées ni cédées à des tiers)